Le premier survol d'Aubenas (Ardèche)

par un aéroplane

   
    Les 12, 13 et 14 août 1911 sont prévues à Aubenas des Grandes Fêtes Gymniques et Musicales à l'occasion du VIème Concours Championnat de la Fédération  des Sociétés de gymnastique  de la Drôme et de l'Ardèche.

Sous la Présidence d'Honneur des autorités civiles et militaires locales et régionales et avec le concours de 20 sociétés françaises, suisses et algériennes se dérouleront :
  • le samedi soir 12 août, grande retraite aux flambeaux,
  • le dimanche 13 août, concours en sections, défilé et festival gymnique,
  • le lundi 14 août, concours individuels, avec en soirée une  Grande fête officielle.
    Pendant les fêtes, Concerts, Bals publics, Grande Fête foraine.
Au cours des trois journées (suivant le temps), Expériences d'aviation par M. Henri Guerre, aviateur lyonnais, élève de Kimmerling, sur monoplan Pivot, moteur Labor, 70 H.P (breveté n° 444 en date du 23 mars 1911).

Extrait du Journal d'Aubenas du 19 Août 1911

    «Une malchance sans nom a privé une partie de nos compatriotes du grandiose spectacle si désiré et si attendu. Le Comité des Fêtes s'en excuse comme s'en sont excusés les aviateurs MM. Guerre et Kokling navrés de n'avoir pu donner satisfaction au public.

    «Désirant ne rien laisser au hasard, M. Henri Guerre avait amené avec lui à Aubenas et à ses frais, l'ingénieur de l'appareil Pivot M. Kokling et après inspection du terrain les deux aviateurs s'étaient mis en devoir de procéder au montage du superbe oiseau.

    «Tout était pour le mieux et vendredi soir M. Guerre était heureux de nous affirmer, nous garantir, que sauf très mauvais temps, nous verrions son aéroplane doubler le dimanche soir le clocher d'Aubenas et évoluer au-dessus de la vallée de l'Ardèche. Toutes les précautions avaient été minutieusement prises et le succès certain.

    «Le samedi soir, il nous informait  que ne voulant rien laisser au hasard, il ferait au matin, le dimanche un vol au-dessus de la campagne de Sainte Croix.

    A 6 heures du matin, tout était paré, le moteur marchait à merveille, M. Kokling voulait lui-même procéder au premier essai, s'installa dans l'appareil qui partit aussitôt. En 50 mètres, il avait décollé  et s'élevant rapidement il passait à 100 kilomètres à l'heure au-dessus d'une centaine de spectateurs privilégiés. A tires d'ailes, il s'en fut sur Saint Sernin, puis revint planer au-dessus e l'Ardèche et continuant son étonnante randonnée, il s'en vint tourner au-dessus de la propriété Seibel pour accomplir un nouveau tour triomphal.


    «Tout le monde applaudissait à ce premier et magnifique exploit. Chacun escomptait déjà le triomphe de la soirée, la joie était au coeur de tous, hélas, un incident stupide allait attrister ce matin plein de promesses et terminer mal cette expérience si bien commencée.

    «Au moment d'atterrir, le pilote n'apercevant pas de la hauteur de 100 mètres à laquelle il planait, le fossé qui partage en deux le terrain d'aviation et redoutant par suite un accident, voulut atterrir plus loin  et vint voler au-dessus d'un nouveau terrain voisin du premier. Il allait toucher le sol quand il aperçut dans l'herbe un petit caniveau qu'il évita en relevant légèrement l'appareil, mais pas assez malheureusement pour que l'hélice put éviter un léger talus invisible sous les herbes. Le choc la fit voler en éclats au milieu d'un nuage de poussière. L'appareil roula quelques mètres, mais son aile ayant frôlé le tronc d'un jeune chêne fut quelque peu endommagée et les patins d'atterrissage se brisaient.

    «La journée d'aviation était terminée.


    «Le comité regrette sans nul doute beaucoup ce contre-temps, cette malchance qui a permis à un journaliste trop pressé d'annoncer à l'agence Havas qu'un accident très grave était arrivé et qui sans souci du préjudice qu'il pouvait causer à l'aviateur a annoncé la destruction de son appareil.  Un fait reste pourtant : M; Henri Guerre, homme timide et modeste a fait tout ce qui dépendait de lui pour satisfaire le public, il n'a ménagé ni son temps, ni sa peine, ni son argent. Des circonstances malheureuses l'ont empêché de tenir sa promesse au public, il nous a prié de l'excuser.

    «Pour la première fois à Aubenas un vol merveilleux a été fait en aéroplane, pour la première fois un oiseau mécanique a plané sur notre pays et les nombreux spectateurs de ce vol admirable de sûreté  et d'élégance se rappelleront longtemps l'émotion qu'ils ont ressentie.

    «Aussi, envers et contre tous, malgré tous les racontars, malgré toutes les médisances, malgré cet esprit chicanier qui pousse invinciblement à la critique, il n'en reste pas moins vrai qu'un aéroplane Pivot a le premier émerveillé nos compatriotes. Le nom d'Henri Guerre restera étroitement  associé dans notre reconnaissance à ce sentiment d'admiration que nous avons éprouvé le dimanche 14 août au matin, date historique du premier exploit d'un homme oiseau dans notre région, et nous sommes fiers que ce soit passé à Aubenas.»



Le Réveil du 25 juillet 2013


Contribution à la Mémoire Aéronautique
Groupement Antoine de Saint Exupéry
Les Vieilles Tiges
Paul Mathevet  07/2013

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