Philippe BILLE, pilote et ingénieur aéronautique
originaire de Vienne (Isère).
Ces longs états de service
lui ont valu la Croix de Chevalier de la Légion d'Honneur qui lui fut remise le
1er décembre 1951, sur le terrain même de Toussus le Noble qu'il survolait
comme pilote il y a 42 ans, après avoir passé son brevet de pilote à l'Ecole
Farman d'Etampes (brevet n° 205 en date du 29 août 1910). Estimer que Philippe BILLE a reçu sa croix, uniquement au titre de l'ancienneté serait une grave erreur car il fut l'un des plus grands pilotes de ses temps héroïques et le second à réussir le looping sur biplan Henri Farman, aussitôt après Maurice Chevilliard. Il était réputé pour son audace et partageait à l'époque avec Pégoud, Chevilliard et Chanteloup, la grande vedette parmi les as de l'acrobatie aérienne.
Ses qualités d'aviateur de
grande classe s'affirmèrent dès son apprentissage et, à peine breveté, il est
engagé par la maison Farman en qualité de chef-pilote : instruction des élèves,
mise au point et réception des avions. Il prend part à de nombreux meetings avec un succès personnel sans cesse croissant ; ayant pris le départ dans le circuit européen 1911, il est victime d'une rupture des plans rabattants et des ailerons, sans dommage pour lui, du reste. Quelques temps après, nous le retrouvons aux grandes manoeuvres militaires des Ardennes, où il est nommé caporal. Il avait fait son service militaire de 1906 à 1909 au 4ème Régiment du Génie à Grenoble, comme sapeur de 2ème classe. Devenu pilote, il est détaché à l'aviation militaire. Les manoeuvres des Ardennes terminées, il prend part au Concours Militaire de Reims.
En 1912, ses qualités exceptionnelles
de moniteur le font nommer à Lyon où il est chargé de l'instruction des
premiers officiers qui avaient choisi le biplan Henri Farman comme avion de
carrière. Au cours de la même année, il est l'une des vedettes les plus
acclamées des grands meetings d'Aix les Bains et de Grenoble. En 1913, il est affecté à Toussus le Noble où continuant ses fonctions de chef-pilote, il réussit un premier looping sur biplan Henri Farman. On l'envoie ensuite aux grandes manoeuvres où, encore une fois, il se distingue.
En 1914, il prend une part exceptionnelle au meeting
de Lyon, puis c'est la guerre. Philippe
BILLE est mobilisé à l'escadrille H F 26 commandée par le Capitaine Maillefer.
Mais il est rappelé par la maison Farman
pour assurer la réception des
avions de série et la mise au point des
prototypes.
Avant la guerre, il avait
présenté, en Italie, les avions Henri et Maurice Farman et obtenu la commande de ces types d'avions
pour le gouvernement italien. En Autriche, à Vienne, il avait obtenu le même
succès pour les biplans Henri Farman. Au cours de la période, où
rappelé du front par sa maison pour les réceptions en vol des avions en série
et la mise au point des prototypes, il est victime de plusieurs accidents, sans
gravité, et commence à ressentir les effets d'une grande fatigue, conséquences
de ses six années où il ne prit jamais de repos. Sa santé devenant chancelante;
il doit abandonner sa carrière de pilote. Malgré la tristesse qu'il en
ressent, il aime trop l'aviation pour l'abandonner : ne plus respirer l'air des
terrains, ne plus hanter les usines aéronautiques et leurs bureaux d'étude,
c'est trop demander à BILLE. Se rappelant qu'il est un ancien élève de l'Ecole professionnelle de Voiron et de l'Ecole spéciale de Rouvière de Toulon où étaient formés, à l'époque, les élèves officiers mécaniciens de la Flotte, Philippe BILLE se perfectionna dans la technique purement aéronautique et commença par être dessinateur dans l'industrie mécanique à la Société Viennoise de Constructions Mécaniques à Vienne (Isère).
Puis, il devint ingénieur. Il débuta en étant chargé de la mise en route
des ateliers de Marnay (Haute-Saône) et de la fabrication en sous-traitance des
célèbres avions Spad VII. Ensuite, ce sont successivement : la réalisation d'un avion à voilure variable, la création des amortisseurs oléo-pneumatiques BILLE qui équiperont les avions Caudron (Aiglon, Simoun, entraînement à la chasse C 710 et les avions Amiot type 144. Il met ensuite en route le bureau d'études 'Train d'atterrissage Caudron'. Ses créations se succèdent alors à une cadence accélérée de 1918 à 1945 : ce sont les trains d'atterrissage pour les avions suivants : Arsenal VG 33, Potez 762, VG 10, Nord 1101, Nord 1200, tous ces trains sont, soit semi-rétractables, soit à rétention totale, réalisés pour la première fois en France par BILLE sur avion Caudron 714.
De 1946 à 1948, BILLE crée et dirige le département de 'Train
d'atterrissage Aérocentre' (Société Nationale de Constructions Aéronautiques du
Centre). Il réalise là les trains d'atterrissage pour les machines suivantes :
prototype du NC 711, NC 711 de série, NC 270. Enfin, pour la Société Nationale
de Constructions Aéronautiques du Sud-Ouest, il crée et met au point le
basculement des roues du SO 6020, le train à rétraction totale de la SNCAM pour
l'avion NI 601 et pour l'Arsenal celui
du VG 90. Telle est la longue carrière de réalisateur de BILLE qui se continue toujours sous le signe de la recherche constante en vue d'améliorations incessantes. Entre les deux guerres, il déposa 45 brevets d'invention. Malgré sa carrière exceptionnellement fournie, Philippe BILLE n'avait jamais reçu la moindre distinction jusqu'au jour où, en 1951, on s'aperçut qu'il avait été oublié. La Légion d'Honneur, brillamment méritée, vint réparer l'oubli.
Si vous vous amusez à consulter et à feuilleter les registres de l'état-civil, vous vous apercevrez que Philippe, Paul, Henri BILLE naquit le 27 décembre 1886 à Vienne (Isère), au 6 rue Tremeau. Si vous feuilletez la presse de l'époque héroïque de l'aviation ou l'annuaire des brevets des Vieilles Tiges, vous y trouverez figurer le nom d'Henri BILL, toujours sans 'e' à la fin et toujours sous le même prénom d'Henri ; si vous persistez dans vos recherches localisées entre 1910 et 1952, vous trouverez toujours cette même erreur dans nombre de publications, de récits ou de souvenirs. On n'a jamais connu la raison exacte pour laquelle le nom de ce grand pilote est passé à la postérité avec une lettre en moins dans le nom enregistré complet à son état-civil.
Et BILLE ne s'en est jamais inquiété, car c'est le garçon le plus
indifférent qui soit pour tout ce qui touche à l'histoire de ses recherches
ou son passé d'aviateur. Or, que son nom s'écrive avec un e ou non l'a laissé
toujours indifférent. Mais lorsqu'on le décore, il fallait remettre les choses officiellement
en ordre. Depuis qu'il porte le ruban rouge, BILLE a son nom exactement
orthographié dans les comptes-rendus, les articles, les rapports ou diplômes où
il figure. Lorsqu'on le décore, sur le
terrain même au-dessus duquel il avait tant volé, il ne put contenir son
émotion et demanda que la cérémonie soit menée tambour battant afin qu'elle
soit très courte. Philippe, Paul, Henri BILLE qui demeurait 16 rue de
Bourgogne à Vienne, décède le 29
novembre 1965 à l'Hôpital de Mont Salomon à Vienne. Il est inhumé au cimetière
de Pipet dans la concession TRUCHET-BILLE.
Article de Raymond
SALADIN publié dans le numéro 52 du 15 juin 1962 d'Aviation Magazine
Plaque
commémorative inaugurée dans cadre du Centenaire de l'Aviation en Pays
Viennois, le 6 octobre 2013,
Commission Mémoire Aéronautique |