Philippe BILLE, pilote et ingénieur aéronautique

originaire de Vienne (Isère).


    Philippe BILLE, tour à tour pilote et ingénieur, compte à son actif une très longue carrière aéronautique. Sa carrière de pilote débute en 1910 et se termine pour raison de santé en 1916; soit six années  de vols journaliers. Sa carrière d'ingénieur commence en 1917 et dure toujours en 1952 : 1916 à 1952, 42 ans d'activités aéronautiques.

    Ces longs états de service lui ont valu la Croix de Chevalier de la Légion d'Honneur qui lui fut remise le 1er décembre 1951, sur le terrain même de Toussus le Noble qu'il survolait comme pilote il y a 42 ans, après avoir passé son brevet de pilote à l'Ecole Farman d'Etampes (brevet n° 205 en date du 29 août 1910).

    Estimer que Philippe BILLE a reçu sa croix, uniquement au titre de l'ancienneté serait une grave erreur  car il fut l'un des plus grands pilotes de ses temps héroïques et le second à réussir le looping  sur biplan Henri Farman, aussitôt après Maurice Chevilliard. Il était réputé  pour son audace  et partageait à l'époque avec Pégoud, Chevilliard et Chanteloup, la grande vedette parmi les as de l'acrobatie aérienne.

    Ses qualités d'aviateur  de grande classe s'affirmèrent dès son apprentissage et, à peine breveté, il est engagé par la maison Farman en qualité de chef-pilote : instruction des élèves, mise au point et réception des avions.

    Il prend part à de nombreux meetings avec un succès personnel sans cesse croissant ; ayant pris le départ dans le circuit européen 1911, il est victime d'une rupture des plans rabattants et des ailerons, sans dommage pour lui, du reste. Quelques temps après, nous le retrouvons aux grandes manoeuvres militaires des Ardennes, où il est nommé caporal. Il avait fait son service militaire de 1906 à 1909 au 4ème Régiment du Génie à Grenoble, comme sapeur de 2ème classe. Devenu pilote, il est détaché à l'aviation militaire. Les manoeuvres des Ardennes terminées, il prend part au Concours Militaire de Reims.

    En 1912, ses qualités exceptionnelles  de moniteur le font nommer à Lyon où il est chargé de l'instruction des premiers officiers qui avaient choisi le biplan Henri Farman comme avion de carrière. Au cours de la même année, il est l'une des vedettes les plus acclamées des grands meetings d'Aix les Bains et de Grenoble.

    En 1913, il est affecté à Toussus le Noble où continuant ses fonctions de chef-pilote, il réussit  un premier looping sur biplan Henri Farman. On l'envoie ensuite aux grandes manoeuvres où, encore une fois, il se distingue.

Philippe Bille

    En 1914, il prend une part exceptionnelle au meeting de Lyon, puis c'est la guerre.  Philippe BILLE est mobilisé à l'escadrille H F 26 commandée par le Capitaine Maillefer. Mais il est rappelé par la maison Farman  pour assurer la réception  des avions de série  et la mise au point des prototypes.

Philippe Bille

    Avant la guerre, il avait présenté, en Italie, les avions Henri et Maurice Farman  et obtenu la commande de ces types d'avions pour le gouvernement italien. En Autriche, à Vienne, il avait obtenu le même succès pour les biplans Henri Farman.

    Au cours de la période, où rappelé du front par sa maison pour les réceptions en vol des avions en série et la mise au point des prototypes, il est victime de plusieurs accidents, sans gravité, et commence à ressentir les effets d'une grande fatigue, conséquences de ses six années où il ne prit jamais de repos. Sa santé devenant chancelante; il doit abandonner sa carrière de pilote.

    Malgré la tristesse qu'il en ressent, il aime trop l'aviation pour l'abandonner : ne plus respirer l'air des terrains, ne plus hanter les usines aéronautiques et leurs bureaux d'étude, c'est trop demander à BILLE.

    Se rappelant qu'il est un ancien élève de l'Ecole professionnelle de Voiron et de l'Ecole spéciale de Rouvière de Toulon où étaient formés, à l'époque, les élèves officiers mécaniciens de la Flotte, Philippe BILLE se perfectionna dans la technique purement aéronautique et commença par être dessinateur dans l'industrie mécanique à la Société Viennoise de Constructions Mécaniques à Vienne (Isère).

    Puis, il devint ingénieur. Il débuta en étant chargé de la mise en route des ateliers de Marnay (Haute-Saône) et de la fabrication en sous-traitance des célèbres avions Spad VII.

    Ensuite, ce sont successivement : la réalisation d'un avion à voilure variable, la création  des amortisseurs oléo-pneumatiques BILLE qui équiperont les avions Caudron (Aiglon, Simoun, entraînement à la chasse C 710 et les avions Amiot type 144. Il met ensuite en route le bureau d'études 'Train d'atterrissage Caudron'. Ses créations se succèdent alors à une cadence accélérée de 1918 à 1945 : ce sont les trains d'atterrissage pour les avions suivants : Arsenal VG 33, Potez 762, VG 10, Nord 1101, Nord 1200, tous ces trains sont, soit semi-rétractables, soit à rétention totale, réalisés pour la première fois en France par BILLE  sur avion Caudron 714.

    De 1946 à 1948, BILLE crée et dirige le département de 'Train d'atterrissage Aérocentre' (Société Nationale de Constructions Aéronautiques du Centre). Il réalise là les trains d'atterrissage pour les machines suivantes : prototype du NC 711, NC 711 de série, NC 270. Enfin, pour la Société Nationale de Constructions Aéronautiques du Sud-Ouest, il crée et met au point le basculement des roues du SO 6020, le train à rétraction totale de la SNCAM pour l'avion NI 601 et pour l'Arsenal  celui du VG 90.

    Telle est la longue carrière  de réalisateur de BILLE qui se continue toujours sous le signe de la recherche constante en vue d'améliorations incessantes. Entre les deux guerres, il déposa 45 brevets d'invention.

    Malgré sa carrière exceptionnellement fournie, Philippe BILLE n'avait jamais reçu  la moindre distinction jusqu'au jour où, en 1951, on s'aperçut qu'il avait  été oublié. La Légion d'Honneur, brillamment méritée, vint réparer l'oubli.

    Si vous vous amusez à consulter et à feuilleter les registres  de l'état-civil, vous vous apercevrez que Philippe, Paul, Henri BILLE naquit le 27 décembre 1886 à Vienne (Isère), au 6 rue Tremeau. Si vous feuilletez la presse de l'époque héroïque de l'aviation ou l'annuaire des brevets des Vieilles Tiges, vous y trouverez figurer le nom d'Henri BILL, toujours sans 'e' à la fin et toujours sous le même prénom d'Henri ; si vous persistez dans vos recherches localisées entre 1910 et 1952, vous trouverez toujours cette même erreur dans nombre de publications, de récits ou de souvenirs. On n'a jamais connu la raison exacte pour laquelle le nom de ce grand pilote est passé à la postérité avec une lettre en moins dans le nom enregistré complet à son état-civil.

    Et BILLE ne s'en est jamais inquiété, car c'est le garçon le plus indifférent  qui soit pour tout  ce qui touche à l'histoire de ses recherches ou son passé d'aviateur. Or, que son nom s'écrive avec un e ou non l'a laissé toujours indifférent.

    Mais lorsqu'on le décore, il fallait remettre les choses officiellement en ordre. Depuis qu'il porte le ruban rouge, BILLE a son nom exactement orthographié dans les comptes-rendus, les articles, les rapports ou diplômes où il figure.

    Lorsqu'on le décore, sur le terrain même au-dessus duquel il avait tant volé, il ne put contenir son émotion et demanda que la cérémonie soit menée tambour battant afin qu'elle soit très courte.

    Philippe, Paul, Henri BILLE qui demeurait 16 rue de Bourgogne à Vienne, décède le  29 novembre 1965 à l'Hôpital de Mont Salomon à Vienne. Il est inhumé au cimetière de Pipet dans la concession TRUCHET-BILLE.

Article de Raymond SALADIN publié dans le numéro 52 du 15 juin 1962 d'Aviation Magazine   
Adaptation de la Commission Mémoire Aéronautique des Vieilles Tiges 
Groupement  Antoine de Saint Exupéry.

  Philippe Bille

Philippe Bille 

Plaque commémorative inaugurée dans cadre du Centenaire de l'Aviation en Pays Viennois, le 6 octobre 2013,sur la façade Est du club-house de l'Aéroclub de Vienne sur l'aérodrome de Vienne-Reventin.


Commission Mémoire Aéronautique
Groupement Antoine de Saint Exupéry    
Les Vieilles Tiges
1913 - 2013  Centenaire de l'aviation en pays viennois ©  Paul Mathevet   10/2013

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