Les VIEILLES TIGES, Groupement Antoine de Saint Exupéry, viennent de perdre un des leurs :

 Henri BOURRASSIER

 

    Il est né le 12 septembre 1921 à Yzeure dans le département de l'Allier. Attiré dès l'âge de 9 ans par l'aviation; à 14 ans, il suit les meetings pour être au plus près des avions et à 17 ans, il rentre à l'école de pilotage de la section d'aviation populaire à Moulins (Allier) et obtient son brevet de pilote.

    Le 24 novembre 1939, il signe son contrat d'engagement volontaire pour la durée de la guerre en tant qu'élève-pilote. Il obtient son certificat préparatoire aux fonctions de pilote militaire, puis il est nommé caporal, le 30 avril 1940. Démobilisé le 16 août 1940, il rejoint ses parents qui se trouvent en zone occupée. Pour cela, il traverse l'Allier à la nage. Cinq jours plus tard, il repasse la ligne de démarcation, caché dans le tender d'une locomotive conduite par un ami de son père et se retrouve en zone libre, chez une tante à Clermont-Ferrand.

    Fin septembre 1940, il quitte l'Auvergne pour Toulouse, où il se fait embaucher aux usines Latécoère et travaille sur l'hydravion Laté 631. Le dimanche, il se rend au marché de Saint Cernin pour trouver des contacts en vue d'un passage en Espagne, pas facile...Les avions lui manquent, il se rend à la base aérienne de Toulouse-Francazal pour informations et apprend que l'on peut rengager pour l'Afrique du Nord; C'est chose faite le 30 avril 1941, il perd son grade de caporal et rengage comme 2ème classe.

    Affecté à Marrakech au Groupe de bombardement 1/23, 1ère escadrille, il est muté à Casablanca, en vue d'un départ aux USA et embarque en juillet 1943.


    Breveté pilote sur multimoteurs le 8 février 1944 sous le n° 110 USA, qualification B 26 Marauders le 25 avril 1944 et affecté au Groupe de bombardement moyen 2/20 'Bretagne' à l'automne 1944 sur le terrain de Lyon-Bron.


Allocution d'Henri BOURRASSIER lors de la cérémonie commémorative à Colombier-Saugnieu, le 18 février 2012

«Le 28 février 1945, importante mission sur l'Allemagne. Briefing, identification  de l'objectif.

    Tous les renseignements sur le tracé de la route, axe de bombardement, nombre de tubes de DCA, etc..Tous les ordres étaient donnés, et nous voici en ligne de vol. Notre avion est le Marauder B 26  n°32 chargé de deux tonnes de bombes. L'équipage se compose : Lieutenant Hentgès pilote, sergent Bourrassier co-pilote, sous-lieutenant Dravert mécanicien, sergent Vezan mitrailleur de tourelle, sous-lieutenant Pernot navigateur et sergent Moulard radio. L'équipage se met en place  et chacun ffectue ses vérifications d'usage. Tout est en ordre. Une vingtaine de B 26 Marauders tournant, réchauffant les moteurs. Il fait froid. Les mécaniciens au sol dans leur 'moumoute', surveillent les opérations, s'assurant que tout tourne rond avant que nous quittions le parking.

    Puis, c'est l'heure 'H'. Le pilote leader annonce par radio 'Roulage', et, suivant un ordre bien établi, à savoir la position de vol de groupe, chaque avion prend sa place.  Arrive notre tour...Alignement, une vision totale du tableau de bord en balayage, tout va bien. Devant nous, l'avion qui nous précède est sur le point de décoller. Cinquante deux pouces de pression à l'admission, et c'est parti !...

    Décollage, le train est rentré, et aussitôt des 'ploufs' de plus en plus forts se produisent au moteur droit qui prend feu. Le moteur faisait un sixième de tour sur son berceau chaque fois que les flammes s'échappaient en retour par les prises d'air avant du capotage. C'était impressionnant, '2000 chevaux en colère' ! Nous avions vidé les extincteurs, et pas question de larguer les bombes. L'ouverture des trappes nous aurait fait perdre 10 noeuds dont nous avions bien besoin. A l'altitude où nous étions, il  n'était pas question d'évolutions. Le lieutenant Hentgès contrôlait parfaitement l'avion, mais il fallait se poser, et vite ! Devant nous se présenta un champ, tout proche du village  de Saugnieu, avec son clocher qu'il fallait à tout prix éviter. 'On se crashe !'.

    Nous sautons une haie, nous touchons, ça glisse et ça craque de partout, une deuxième haie arrive sur nous, ça craque de tous les côtés, puis le silence et la chaleur du feu. J'avais la tête nue, ma casquette de laine US avait disparu, je sentais le chaud qui coulait dans mon cou et dans mon dos, le visage ensanglanté. Je passe ma main dans les cheveux et je sens une grande fente en 'V'. J'avais le cuir chevelu coupé, et différentes blessures sur le corps. Je secoue le lieutenant Hentgès et je lui dis 'Dépêche-toi, l'avion brûle' !. Je m'aperçois alors qu'il a le pied gauche pris dans le palonnier. La verrière d'évacuation étant au-dessus de nos têtes, à savoir deux trappes à ouvertures latérales étaient tellement bloquées par le choc qu'il me fut impossible de les ouvrir. Se battre pour sauver sa vie, ça compte !

    Alors que les cartouches de mitrailleuses commençaient à exploser, et que le feu prenait de plus en plus  de vigueur, je regardais vers le nez de l'avion. Celui-ci était en partie cassé. Juste le passage d'un homme. Là, je m'aperçois que je n'ai pas de chaussure au pied droit...Une bombe s'était détachée de la soute, était passée sous mon siège, et s'était arrêtée dans le couloir du bombardier. Avant de m'engouffrer dans cet étroit passage, je m'assurais que le Lieutenant Hentgès s'était sorti de son siège et qu'il était prêt à me suivre.

    Me retrouvant à l'extérieur, déchiré de toute part, je ne faisais pas cas de mon état. Soudain, je vois une femme qui gardait des chèvres, et je lui crie : 'Madame, n'approchez pas, les bombes vont sauter'. Au même moment, le sergent Vezan s'échappe  à l'arrière par le sabord en se tenant le bras. Ensuite, je me suis dirigé vers une petite murette de pierres sèches, puis plus rien,je suis tombé dans le coma... Je repris connaissance chez le boucher du village, allongé sur une table, des gens autour de moi qui venaient me donner les premiers soins. E posais alors la question : 'Et mes camarades ? Et l'avion ?'. Celui-ci avait déjà explosé et je n'avais rien entendu. Combien de temps étions-nous restés coincés dans cet amas de tôles ?...Seuls, les témoins de ce jour pourraient le dire. Nous étions tous assommés, blessés et malheureusement il y avait deux tués : les sous-lieutenant Dravert et sergent Moulard. Quelques instants avant le crash, le mécanicien avait voulu rejoindre l'arrière e l'avion, supposé plus sûr, et c'est au moment où il traversait la soute que le crash se produisit. Il était coincé par les bombes, et le sergent Moulard, seul réellement indemne voulut lui porter secours. C'est à ce moment là que les bombes explosèrent.

    Je me suis retrouvé à l'hôpital Desgenettes, puis après une vingtaine de jours, je repris ma place au combat, au milieu de mes amis qui, pour la circonstance, m'avaient préparé une petite fête. La météo s'étant améliorée par rapport au mois de Février, les missions étaient reparties, nombreuses, mais nous en sentions quelque peu la fin.

    L'armée mena une enquête pour déterminer la cause précise de ces ennuis de moteur qui devenaient de plus en plus fréquents. Elle ne tarda à mener à l'arrestation des membres d'un gang qui soutirait de l'essence des bidons et la remplaçait par de l'eau».

Henri Bourrassier
Henri Bourrassier
Henri Bourrassier

    Au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale, il reste comme sous-officier pilote dans l'Armée de l'Air. Henri Bourrassier sera affecté dans des groupes de transport en Afrique de 1948 à 1953,  Indochine en 1953/54 et à nouveau en Afrique de 1954 à 1958. Au cours de sa carrière, il connaîtra trois autres graves accidents d'avions.

Puis il retrouve l'Auvergne et la vie civile.

Henri Bourrassier sera honoré :

Chevalier de la Légion d'Honneur le 24 novembre 1959, Officier de la Légion d'Honneur le 23 avril 2000, Médaille Militaire, Croix de Guerre 39/45 avec Citation à l'Ordre de l'Armée, Citation à l'Ordre de la Division Aérienne, Citation à l'Ordre de l'Aviation de bombardement, Croix de la Vaillance, Citation à l'ordre du Régiment, Distinguished Unit Citation USA, Médaille de l'Aéronautique, Médaille des 50 ans de brevet des Vieilles Tiges, Gradué Command Pilot par le Colonel Armstrong représentant l'Ambassadeur des Etats Unis à Paris.

Henri Bourrassier

    Henri Bourrassier a été Président de l'Union Fédérale des Anciens Combattants de Pont du Château, Commissaire aux Comptes au siège de l'Union Fédérale Départementale à Clermont-Ferrand, Vice-Président de la section de Pont du Château de Rhin et Danube, Président pendant 4 ans de la Section de la Croix-Rouge à Pont du Château, Membre Pionnier des Vieilles Tiges en date du 21 février 1980 sous le n°624, Membre de l'Association des Marauders B 26, Membre titulaire du Souvenir Français, Aide aux personnes défavorisées, Membre de la Confederate Air Force à Midland (Texas).

Henri Bourrassier

    A son initiative, Henri Bourrassier a fait édifier à Pont du Château, sous couvert de la Municipalité, une stèle remémorant l'Appel du 18 juin 1940 du Général de Gaulle.

Henri Bourrassier

    Ce samedi 6 avril 2013 à 10h 30, cérémonie commémorative en l'hommage des deux aviateurs morts dans l'accident du Marauders B 26 n° 32 du Groupe Bretagne à Colombier-Saugnieu. Dans les heures qui suivent, Henri Bourrassier décède au Centre Hospitalier Univesitaire de Clermont-Ferrand. Ses funérailles se déroulent le Vendredi 12 avril à Pont du Château où il est inhumé au cimetière de la localité.

Henri Bourrassier
Henri Bourrassier

Cérémonie commémorative de Colombier-Saugnieu du 18 février 2012

    Dans les mois qui suivirent cet accident d'avion, la municipalité et les habitants de Colombier-Saugnieu édifièrent un monument commémoratif à proximité des lieux de l'accident. Chaque année, la Section des Anciens Combattants et la Municipalité de Colombier-Saugnieu commémorent la date du 8 mai 1945 en se rendant au Monument des Aviateurs. Depuis quelques années, une cérémonie commémorative se déroule chaque printemps.

Henri Bourrassier

Bon Vol, Henri

Hommage à Henri Bourrassier ©  Les Vieilles Tiges  Groupement Antoine de Saint Exupéry    04/2013

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