Qui se souvient du crash d'un Breguet Deux Ponts aux environs de Vienne (Isère) ?

 

Une rencontre avec Monsieur André LEVET d'Estrablin, le samedi 24 septembre 2011, a permis de nous souvenir de cet accident. André LEVET est arrivé sur les lieux de l'accident alors que les passagers descendaient de l'appareil, aussi il nous livre son témoignage sur l'accident du 10 mai 1955. Nous le remercions bien vivement.

Air France commande en 1951, douze Breguet Deux Ponts 763 'Provence' pour ses lignes vers l'Algérie et le réseau intérieur de ce pays. Equipé de quatre moteurs Pratt et Whitney de 2500 cv, cet avion pouvait voler à 340 km/h en croisière sur 4100 kilomètres. Avec trois membres d'équipage en cabine, il transportait 107 passagers :59 passagers en classe touriste au pont supérieur et 48 en 2ème classe au pont inférieur. Mais dans certaine version, le pont inférieur était réservé aux marchandises. Ces appareils furent exploités de mars 1953 à 1963. Air France vendit en 1964, 8 de ces appareils à l'Armée de l'Air qui les utilisa jusqu'en 1974 sur les sites nucléaires dans l'océan Pacifique. En 2011, la plupart de ces appareils ont été ferraillés.

Le Breguet F-BASQ sur l'aéroport de Bron

Accident du 10 mai 1955

Le 10 mai 1955, le Breguet Deux Ponts 763, n° 2, immatriculé F-BASQ, appartenant à Air France, assure la liaison aérienne commerciale de Tunis à Lyon-Bron. Dans les minutes qui précèdent son approche de Bron, le Commandant de bord détecte une anomalie de la commande de compensateur qui entraîne des vibrations très importantes et décide de un atterrissage forcé, train rentré. L'appareil se pose face au nord, vers 13h 30, dans un champ de blé appartenant à Monsieur Marius Fournier, au lieu-dit " La Pape' ", sur la commune d'Estrablin ( à quelques dizaines de mètres des limites de la commune de Pont Evêque), à 7 kilomètres à l'est de Vienne (Isère). Le pilote, le commandant de bord Gérard CAILLAT fit preuve de beaucoup d'habileté en posant son appareil en moins de 750 mètres. Quarante deux passagers étaient à bord, personne ne fut blessé, mais les tôles inférieures du fuselage avaient beaucoup soufferts et les pales d'hélice tordues.

Air France voulut savoir si l'appareil était récupérable et réparable car, à l'époque un Breguet 763 valait 800 millions d "anciens francs. Yves BRUNAUD, chef pilote de la firme Louis Breguet fut invité à donner don opinion ; " on peut tenter de le décoller de là, une fois les hélices remplacées, et à condition d'alléger au maximum l'appareil et de niveler sommairement le terrain. Il fallut près de deux mois pour redresser l'avion, renforcer les tôles, changer les hélices, vidanger les 4000 litres de carburant pour laisser le strict nécessaire, démonter tous les aménagements commerciaux et remettre l'avion sur ses roues. Trois hectares de champ de blé sont sacrifiés pour permettre aux engins de génie civil de procéder au nivellement du terrain et à l'aménagement d'une piste en terre d'environ 450 mètres. L'appareil est déplacé et orienté au sud. Le décollage de l'appareil est prévu pour le 26 juin, mais des pluies rendent le terrain détrempé.

Le 7 juillet 1955, en présence des voitures de pompiers et d'ambulance, le Breguet Deux Ponts 763, n° 5, immatriculé F-BASQ, décolle au bout de 350 mètres, à 4h 40 du matin. Yves BRUNAUD est aux commandes et assisté par Evrard et Dufour comme mécaniciens. L'appareil devait rejoindre l'aéroport de Bron, mais en vol, BRUNAUD décide de rejoindre directement Villacoublay.

Le Breguet F-BASQ dans le champ de blé à Estrablin

 

Accident du 5 juillet 1962

" Le vendredi 5 juillet 1962, en soirée, à l'aéroport d'Alger-Maison Blanche, Denis HENOCQUE, pilote du Breguet Deux Ponts 763, immatriculé F-BASQ, s'apprête à assurer la liaison aérienne Alger-Marseille, avec pour équipage, le copilote ASTARITA, le radio-navigant DUFFROY, une hôtesse et trois stewards. A bord de l'appareil, une vingtaine de passagers, des pétroliers en provenance d'Hassi-Messaoud qui embarquent au pont supérieur. Pour Denis HENOCQUE, c'est sa première mission comme Commandant de bord sur ce type d'avion. Début janvier 1962, il termine major de la promotion de la trentaine d'élèves-commandant de bord. du centre de perfectionnement d'Air France au Bourget. Denis HENOCQUE, 36 ans, 5000 heures de vol, un ancien contrôleur aérien d'Aix en Provence entré à la compagnie en 1952. 18 heures, mise en route de l'appareil. A 19h 45, le Breguet descend en approche de Marseille, la piste 32 est en service, le temps est clair, le copilote actionne la commande de sortie du train. Une première lampe verte s'éclaire, celle de la roulette de nez. Puis, une deuxième, le train principal gauche. La lampe du train droit reste au rouge. Procédure classique: il faut rentrer le train. Pendant 1h 15, le Commandant HENOCQUE et son équipage égrènent la check-list pour adopter la procédure la plus favorable dans ce cas là. A 21 heures, la décision a été prise de se poser d'atterrir sur le ventre sur la 32 en dur qui a été recouverte d'un tapis de mousse carbonique de 300 mètres de long et de 15 mètres de large à 500 mètres du seuil. A 21h 30, le Breguet 763 entame son approche, la tension est maximale. Le Breguet se pose doucement en ligne de vol sur la mousse, il glisse sur 200 mètres L'ordre d'évacuation est déclenché, on fait éloigner les passagers, tandis que les pompiers arrosent les moteurs, au cas où.. Le Commandant HENOCQUE regarde ses coéquipiers et leur serre la main en se donnant l'accolade.

Le lendemain après-midi, le 6 juillet, le commandant GENEVES, chef-pilote de la compagnie débarque d'Alger pour constater l'accident, en présence d'un chef-mécanicien et de l'ingénieur de marque Breguet. L'avion sera dégagé dans la journée. " Mon cher HENOCQUE, vous êtes suspendu de vol jusqu'aux conclusions de la commission d'enquête. Nous vous préviendrons lorsque nous aurons suffisamment d'éléments. Laissez-moi votre adresse ". Quatre jours plus tard, le commandant HENOCQUE est convoqué par l'équipe technique autour du F-BASQ mis sur vérin dans un hangar de Marignane. Il apprend avec soulagement que la commission d'enquête a dégagé sa responsabilité. En effet, l'appareil a été saboté... un embiellage des trappes de train a été monté à l'envers. La roue jumelée, engagée dans les trappes de train à demi-ouvertes, ne pouvaient pas s'extirper. Quant au Breguet F-BAZSQ intact, révisé et pales d'hélices changées, il revolera vers Toulouse ".

Le Breguet F-BASQ sur le terrain de Tarbes après son dernier vol

Source : Extraits du texte de Bernard THOUANEL dans Amis Breguet 1955 à 1967.

Des pilotes d' exception

Yves BRUNAUD est né le 22 décembre 1920 à Bordeaux. Ecole de l'Air en 1938. Au cours de la Seconde Guerre mondiale, navigateur, puis pilote sur Marauder B26 ; il effectue des missions de bombardement sur l'Italie, la Provence, les ponts sur le Rhin et l'Allemagne. Affecté au Centre d'essais en vol en 1946, il vole sur SE161 Languedoc et Courlis. Chef-pilote chez Breguet en 1947, il vole sur Br462, Br761, Br890S, 890X, Br960 Vultur et Br1100.Yves BRUNAUD trouve la mort, le 19 avril1962 à Revel, lors d'un vol d'essai sur Breguet Atlantic n° 2 avec Alain RICHAUD et Rémy RAYMOND, ingénieur et mécanicien navigant d'essais. Yves BRUNAUD totalisait 4000 heures de vol dont 2500 en essais en vol.

 

Stèle à Revel sur le lieu de l'accident
 



Gérard CAILLAT est né le 1er juillet 1927 à Villerupt (Meurthe et Moselle). En 1944, il s'engage dans l'Armée de l'Air et rejoint les USA où il est breveté pilote sur Maraudeur. Il entre à Air France en mars 1950, et pendant trois ans, en tant que copilote, il vole sur Languedoc 161, DC 3, DC 4, Constellation et Super-Constellation. Commandant de bord en juillet 1953, il vole sur Breguet Deux Ponts en Algérie pendant trois ans. Puis, il poursuit sa carrière à Air France en volant sur Caravelle, Boeing 707 et 747 avant de devenir instructeur. En décembre 1977, il participe au stage de Concorde sur lequel il fera 3250 heures dont 2275 en supersonique. Gérard CAILLAT prendra sa retraite le 1er août 1987 et totalise 25000 heures de vol. Chevalier de la Légion d'Honneur Officier de l'Ordre national du mérite, Gérard CAILLAT décède le 21 septembre 2001.

Source : Extraits du texte d'Edouard CHEMEL

A voir la video du dernier vol du Breguet F-BASQ sur l'aérodrome de Laloubère, près de Tarbes :
www.le65.com/info/tv/breguet.php3

Sources Documentation personnelle de Monsieur André LEVET, AEROSTELES et Internet

Origine du document, probablement Aviation Magazine

Contribution à la Mémoire Aéronautique
Groupement Antoine de Saint Exupéry
Les Vieilles Tiges

Qui se souvient du crash d'un Breguet Deux Ponts dans la région de Vienne (Isère) © Paul MATHEVET 09/2011

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