Un aviateur grenoblois méconnu :  Henri CAROL
   

    CAROL, Henri est né le 28 mai 1895 à Grenoble (Isère).

    Fils de Joseph, Hippolyre, employé au lycée de garçons, demeurant 13 rue de la Fédération à Grenoble, et d'Adèle, Joséphine, Chambaz, couturière. Henri passe sa jeunesse à Saint Didier de la Tour, près de La Tour du Pin (Isère). Sa grand'mère est une Pégoud et l'aviateur Pégoud son cousin.

    Au cours de la Première Guerre mondiale, il est breveté pilote et affecté aux escadrilles Voisin 102 et 114. Gravement blessé lors d'un combat aérien, il est réformé et décoré de la Médaille Militaire. Souhaitant poursuivre le pilotage, il demande à être affecté à la Mission française en Russie. Sur des appareils de fortune, il assure une centaine de missions en Sibérie et connaît des aventures, qu'il partage avec Joseph Kessel, lors de la Révolution d'Octobre.

    De retour en France, Henri Carol, pilote et ingénieur, assure chez Salmson,  les fonctions de chef de service des aérodromes. En 1924, Henri Carol fut l'équipier de Bossoutrot dans le Premier Grand Prix des avions de transport et celui de J.C. Bernard dans le Grand Prix  de l'Aéroclub de France.

    Du 10 au 12 août 1925, le capitaine Ludovic Arrachart et Henri Carol, ingénieur chez Lorraine-Dietrich, bouclent un tour d'Europe de 7420 kilomètres de trois jours, en trois étapes.

    Dans le numéro 16 d'Aviation Magazine du 15 décembre 1950, Raymond Saladin fait le récit de ce périple :

    " Le 10 août à 4h 45 du matin, dans une véritable tempête, Arrachart et Carol décollèrent de Villacoublay. L'envolée eut lieu à travers les éclairs fulgurants d'un violent orage et les assistants furent émotionnés au possible lorsque les deux as quittèrent le sol.

    Pourquoi avaient-ils décidé de décoller dans des circonstances atmosphériques aussi détestables ?

    C'est que la météo signalait beau temps et vent arrière à partir de Dijon qui se trouvait sur la route de la première étape qui devait les conduire à Belgrade.

Henri Carol
L'arrivée d'Arrachart et Carol, au Tour d'Europe 1925, Henri Carol est debout au poste arrière du Potez 25

    Ils décidèrent donc de risquer le tout pour le tout sur Paris-Dijon en espérant qu'après cette ville le temps leur deviendrait favorable, ce qui se produisit.

    Mais le risque était gros à prendre et ceux qui assistèrent au départ n'oublieront jamais combien il fut impressionnant.

    On attendit les télégrammes avec impatience : le premier signalait l'atterrissage à Belgrade le 10 août à 11h 45, le second venait de Constantinople où Arrachart et Carol avaient atterri à Saint-Stephano à 20 heures après avoir réussi Paris-Belgrade-Constantinople à 200 à l'heure, compte tenu d'un arrêt de deux heures à Belgrade pour le plein d'essence et les formalités.

    Le voyage continua vers Moscou : à 3h 10 le 11 août (heure turque) l'avion reprenait son vol et atteignait Bucarest quatre heures après. Tout allait bien à bord. Un peu après 10 heures, les aviateurs repartaient pour Moscou où ils arrivaient à 19 heures. Ils y furent reçus avec enthousiasme. Puis, c'est déjà le commencement du chemin du retour. Copenhague est atteint dans les temps prévus et c'est Paris-Le Bourget, où l'atterrissage à lieu le 12 août à 21h 17 devant MM. Laurent-Eynac qui apporte les félicitations du gouvernement, de M. Potez dont la joie est grande, Fortant, Casse, Coroller, de nombreuses personnalités du Ministère de l'Air, les représentants de la grande presse ; une foule enthousiaste enfin cria son enthousiasme au grand équipage qui avait battu tous les records de vitesse réalisés sur un parcours aussi difficile que le Tour d'Europe.

    On homologua la performance et les chiffres suivants furent communiqués : distance parcourue,7420 kilomètres ;durée du vol, 29 heures ; vitesse moyenne, 190,500 km/h; vitesse commerciale (escales comprises), 115,500 km/h.

Henri Carol

    Il est intéressant de rappeler les caractéristiques du matériel employé qui était l'oeuvre de l'ingénieur Coroller. Le Potez 25 était un avion biplace-biplan de 14 mètres d'envergure, sa surface portante était de 46 m2. L'appareil en ordre de marche pesait 2400 kg. Le bois, l'acier, le duralumin, entraient dans sa fabrication.  Le train d'atterrissage n'avait pas de sandows. C'était un train constitué par des lamelles de caoutchouc superposées, il permettait d'atterrir sur les plus mauvais terrains. Le moteur était un 12 cylindres en W Lorraine Dietrich de 450 cv, dessiné par le grand ingénieur Barbaroux. Son alésage était de 125 et sa course de 180. Il était muni de deux pompes à essence et d'une pompe à huile. Il donnait sa puissance de 450 cv à 1800 tours. Sa puissance de pointe était de 480 cv. Consommation 240 grammes d'essence par cheval-vapeur et de 10 grammes d'huile. Le poids était de 380 kg, moteur léger pour l'époque puisque pesant déjà moins d'un kilo par cheval-vapeur. L'hélice était une hélice à deux pales en prise directe.L'avion avait à bord 16, litres d'essence et 100 litres d'huile. Tel était le matériel.

    Au moment du Tour d'Europe, Ludovic Arrachart était capitaine au Groupe d'essais des prototypes... et permissionnaire. C'est donc à titre civil qu'il réussit l'exploit avec Carol.

    En 1926, Henri Carol devait s'illustrer avec Pelletier d'Oisy (Pibolo) en réussissant en six jours et dix huit heures de vol le raid Paris-Pékin qui eut un retentissement mondial : 10.000 kilomètres avaient été couverts à une moyenne de près de 1500 kilomètres par jour à une vitesse de 160 à l'heure. C'est sur un Breguet 19 à moteur Lorraine que ce grand raid fut réussi au cours des étapes suivantes : 11 juin : Paris-Varsovie 1525 km ; 12 juin : Varsovie-Moscou 1150 km ; 13 juin : Moscou-Kourgan 1930 km ; 14 juin : Kourgan-Krasnoiarsk 1750 km ; 15 juin : Krasnoiarsk-Irkoutsk 1000 km ; 16 juin ; Irkoutsk-Tchita 750 km ; 17 juin :  Tchita-Moukden 1150 km ; 17 juin : Moukden-Pékin 750 km.

    1927 : Paris-Tokyo avec Pivolo ; 1932 : Croisière Noire avec le Général Vuillemin ; 1934 : Tour d'Afrique avec Pelletier d'Oisy.
    Il est à l'époque le pilote ayant le plus d'heures de vol au monde et sera décoré de la Légion d'Honneur. Henri Carol est considéré comme le meilleur metteur au point et d'essais des avions français et étrangers équipés de moteurs Lorraine. En 1937, il fonde la station d'essais des moteurs du Mont Lachat au-dessus de Saint Gervais (Haute Savoie).

    A la veille de la Seconde Guerre Mondiale, il est appelé par Marcel Bloch pour participer aux activités de sa société. En décembre 1940, Marcel Bloch délègue les fonctions de Directeur Général de sa société à Henri Carol, directeur de l'usine aéronautique de Saint Cloud. Les collaborateurs de Marcel Bloch, en son absence, prennent des mesures conservatoires pour sauvegarder les intérêts de la Société Anonyme des Avions Marcel Bloch. Le siège social est transféré de Saint Cloud à Thiers.

    Après une longue et brillante carrière de navigant, Henri Carol, «le champion de la mise au point»   entre chez Marcel Dassault et dirige à l'usine de Boulogne sur Seine la délicate fabrication et la mise au point des prototypes Dassault 315 et  celui du célèbre avion à réaction «Ouragan».

    Le 5 décembre 1950, Henri Carol, membre des Vieilles Tiges, recevait de Léon Bathiat la cravate de commandeur de la Légion d'Honneur. Henri Carol décède à Nice le 7 octobre 1975, à l'âge de 80 ans. Sur la tombe de ses parents, au cimetière de Saint Didier de La Tour, une palme à son nom a été déposé par l'Amicale de la Légion d'Honneur.

    Avec l'aimable collaboration de Madame Claude SCARPELLI du Centre Généalogique du Dauphiné, que nous remercions bien vivement.

 

Contribution à la Mémoire Aéronautique
Groupement Antoine de Saint Exupéry
Les Vieilles Tiges
Un aviateur grenoblois méconnu : Henri Carol (C)  Paul Mathevet 08/2013

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