LE TERRAIN D'ATTERRISSAGE CLANDESTIN « MARGUERITE » FEILLENS (01)
Historique du terrain «MARGUERITE» Extraits de l'ouvrage «Qui a trahi Jean Moulin ? » de Gérard CHAUVY En 1942, les soirées familiales sont aussi consacrées, avec FASSIN, à choisir des noms pour les terrains de parachutage et d'atterrissages clandestins. «L'un des plus célèbres utilisé, près de Macon, fut baptisé chez moi, se souvient Maurice DUPRE. Ma mère, qui s'appellait Marguerite, prêta son nom pour le nom de code destiné à le désigner auprès de Londres ». Le terrain «MARGUERITE » était né. Extraits de l'ouvrage « Nous atterrissions de nuit... » d'Hugh VERITY Nuit du 25 au 26 septembre 1942. Opération CATFISH organisée par FASSIN (SIF). Mission par Lysander piloté par Lt. P.E. VAUGHAN-FOWLER. Cette opération a échoué en raison du mauvais temps. Nuit du 13 au 14 avril 1943. Opération HALIBUT organisée par Bruno LARAT et Paul RIVIERE. Mission par deux Lysander. Avec pour équipage Cdt VERITY et Lt RYMILLS. Passager au retour sur la France : Luc A. Passagers au départ vers l'Angleterre : Henri QUEILLE, Etienne d'ASTIER, J.P. LEVY et Daniel MAYER. Nuit du 15 au 16 juin 1943, par une nuit très sombre et pluie sur le terrain, atterrissage au 3è essai Opération KNUCKLEDUSTER organisée par les agents Bruno LARAT et JANNICK (Madame Paul RIVIERE). Mission sur Hudson avec pour équipage Cdt VERITY, Cap LIVRY et Sgt SHINE. Passagers au retour sur France : BOUCHINET-SERREULLES et PERI. Passagers au départ vers l'Angleterre : Paul RIVIERE, FASSIN, FRENAY, Claude MARCUS, Cap. de Vaisseau ROBERT, Gal.ARNAULT, Maurice de CHEVEIGNE, Jean AYRAL. Le retour vers l'Angleterre se fait le 18 juin, via Gibraltar. « Ainsi, le commandant de la base, Mouse FIELDEN, avait par une courte nuit d'été lancé la mode du retour des Hudson par l'Algérie et Gibraltar, après atterrissage dans le sud-est de la France. Je devais l'imiter dans la nuit du 15 au 16 juin 1943 pour l'Opération KNUCKLEDUSTER. Nous avions Philippe LIVRY, Eddie SHINE et moi, quitté Tangmere à 23h 59 avec le Hudson PN 7221 emmenant deux passagers et quatorze colis à remettre aux hommes de Paul RIVIERE sur son grand pré «Marguerite » à proximité de Feillens, à quelques kilomètres de Mâcon en remontant et traversant la Saône. L'un de nos passagers, Claude BOUCHINET-SERREULLES, qui avait été chef de cabinet du général de Gaulle pendant deux ans et demi, partait pour aider Jean MOULIN, qui allait être arrêté cinq jours plus tard.
Nous avions volé toute la nuit et étions tous fatigués mais je jugeai qu'il valait mieux continuer jusqu'à Gibraltar dès que le plein d'essence serait fait, le petit déjeuner pris, Tangmere avisé et quelques cartes chipées. Il serait impossible autrement de garder mes huit passagers ensemble et de les remettre comme convenu, à leurs autorités respectives en Angleterre. Un des huit, un Français grisonnant à l'aspect militaire, me remercia courtoisement pour le voyage et m' »annonça qu'il se rendait à Alger. Tout aussi courtoisement, je lui expliquai que mes ordres étaient de remettre nos passagers en Angleterre à l'organisme convenable. D'içi là personne ne devait quitter le groupe. Il dit alors que le général de Gaulle était un de ses amis personnels et qu'il désirait lui signaler sa présence à Alger dès que possible pour se mettre à ses ordres. Ne parvenant pas à me convaincre, il me raconta que sa vieille mère était en mauvaise santé et vivait à Alger. S'il ne la voyait pas alors, il se pourrait qu'il ne la revît jamais. Puis, en désespoir de cause, il demanda s'il n'y avait aucune autorité à qui il pût s'adresser. Je suppose que je n'avais pas spécialement l'air d'une autorité, avec ma chemise bleue de civil. Bien que commandant de bord, je demandai à Philippe de m'appuyer. Il avait vingt de plus que moi. Le tonnerre de sa voix mit fin à la controverse et nous pûmes aller prendre un café. A la clarté inhabituelle du soleil méditerranéen, nous décollâmes de Maison Blanche à 9h 10 du matin. Nous réussîmes tous à rester éveillés jusqu'à l'atterrissage à Gibraltar à midi. Le Rock Hotel nous trouva des chambres dès qu'il fut invité par le service local des renseignements militaires – sans doute était-il habitué à faire face à toutes sortes d'arrivées inattendues par moyens de transport variés. Nous sommes restés pour la nuit et avons décollé à 22h 10 le 17 juin pour une nuit de vol vers l'Angleterre. Nous avions eu assez de temps pour bien nous reposer et visiter les boutiques. Il y avait une étonnante profusion de fruits, vin, bas de soie et autres articles inconnus ou rationnés en Grande Bretagne. Nous avons chargé un camion de l'armée de caisses de bouteilles de sherry et de sacs de fruits, citrons et bananes, que ma famille n'avait pas vu depuis des années. Mon petit beau-frère de cinq ans devait être complètement déconcerté par l'une de ces bananes. Il n'avait aucune idée de la façon de l'entamer. La piste d'envol de Gibraltar était très longue et je pensai pouvoir m'envoler malgré le poids supplémentaire. Je peux avouer maintenant que nous avons coupé quelques virages lors de ce retour, ayant survolé à plusieurs reprises Espagne et Portugal sans permission. Il était très saisissant de voir les villes éclairées après des années de vol au-dessus des villes et villages enténébrés de France et d'Angleterre.
Nuit du 22 au 23 août 1943. Opération TROJANHORSE organisée par Paul RIVIERE (Galvani). Mission sur Hudson avec pour équipage : Cdt VERITY, Cdt LIVRY et Lt SHINE. Vu des lumières à travers la brume. Mais impossible d'atterrir. Nuit du 23 au 24 août 1943. même opération. Mission sur Hudson avec pour équipage : Lt. Col. HODGES, Cap. BROADLEY, Cap. REED. Passager au retour sur la France : Louis FRANZINI. Passagers au départ vers l'Angleterre : Maurice GRAFF, François MAURIN, Prof' VERMEIL, Armand KHODJA, Sergent PATTERSON de la Royal Air Force. NDLR – Dans la nuit du 22 au 23 juillet 1943, l'Halifax II, serial DK-119, codé MA-U, du 161 squadron de la Royal Air Force , participe à la Mission MISTRAL 3 dans les opérations de parachutage à la Résistance. Trop bas lors du parachutage, l'appareil s'écrase au sol dans la région de Saint Sauvier (Allier). Six membres d'équipage sont indemnes et s'évadent, deux autres blessés sont faits prisonniers. Le sergent David Gordon PATTERSON, bombardier, est récupéré par les Résistants, puis évacué sur l'Angleterre lors de cette mission. « Ma propre tentative de ramassage sur Hudson en août, dans la nuit du 22 au 23, fut un échec. Les lumières de Paul Rivière sur son terrain « Marguerite », apparaissaient à travers un brouillard si épais que je jugeai impossible d'atterrir. Paul avait en poche une lettre très amicale qui m'était adressée et se terminait ainsi ; « Revenez me voir souvent, je ne demande que cela. Bien amicalement à vous; Yves Rolland » Le lendemain, Paul «Galvani » envoyait le télégramme suivant au BCRA du Général de Gaulle à Londres : « Galvani – Mes huit passagers de l'opération du 23 sont restés sur Marguerite la nuit dernière jusqu'à 4 heures. L'avion est arrivé à 1h 30 a survolé le champ au moins six fois et n'a pu atterrir en raison d'un brouillard épais. Stop. N'a pas répondu aux appels téléphone S. Si avions été équipés aurions pu trouver solution. Stop. N'a pas répondu en morse à mon appel. Stop. Arrivé une demi heure plis tôt aurait pu se poser sans difficulté pas de brouillard. Terminé. » Bob HODGES effectua cette opération Trojan Horse la nuit suivante du 23 au 24 août. Il avait comme navigateur le capîtaine J.A. BROADLEY et comme radio-mitrailleur le capitaine L.G. A.REED. Ils avaient à l'aller un passger pour la France, Louis FRANZINI, et en ramenèrent huit dont le sergent PATTERSON qui avait survécu à l'accident d'un Halifax de Tempsford le 23 juillet. Ils m'apportèrent aussi la lettre de Paul. Selon leur rapport l'aire d'atterrissage était plutôt molle et ne pouvait être recommandée par temps humide. Tôt le matin du 24 août, vers 3 heures, les Allemands fouillèrent chaque recoin du village de Feillens, aux abords de Marguerite. Ils allèrent jusqu'à vider une mare pensant qu'armes ou matériel de sabotage pouvaient y être cachés. Ils ne trouvèrent rien. En fait, personne dans le coin ne savait ce qui s'était passé. L'équipe au sol avait été recrutée sur l'autre rive de la Saône. Seul problème, ainsi que l'a écrit Paul RIVIERE : le champ était 'brûlé' ». Le terrain d'atterrissage 'MARGUERITE' Adaptation et présentation du texte © Paul MATHEVET pour Mémoire Aéronautique 06/2010 |