Henry MATHEY

Le 30 septembre 1944, aux commandes de son Spitfire piloté depuis le 7 mai 1943 au sein du Squadron 341 « Alsace »



    Henri MATHEY Héros de la Seconde Guerre mondiale, né le 15 juin 1919 à Besançon est âgé de 20 ans lorsqu’il abandonne l’école supérieure de commerce de Dijon pour répondre à l'Appel du 18 Juin et rejoindre en 6 mois les forces aériennes libres du Général De Gaulle en passant par l'EspagneLisbonne l’Écosse. Il est affecté le 7 mai 1943 au Squadron 341 « Alsace » de la Royal Air Force après un long apprentissage du pilotage et de la langue anglaise. Le 6 juin 1944, il participe à la Bataille de Normandie lors du débarquement en couvrant les troupes alliées. Le 30 septembre 1944, pendant l'opération aéroportée d'Arnhem (rendue célèbre par le film « Un pont trop loin ») son Supermarine Spitfire est abattu sur les lignes allemandes, il est fait prisonnier. Henri s'évade durant son transfert mais l’aventure ne s’arrête pas là …

    Laissons Pierre CLOSTERMANN nous parler d’Henri MATHEY :

 « De notre petite bande, MATHEY était certainement le plus original, avec les chaussettes jaunes qu'il s'obstinait à porter parce que disait-il « cela lui rappelait qu'il était un civil embarqué dans cette aventure, mais toujours un civil ». C'était un sacré pilote. Quand il est arrivé au Squadron « Alsace » il portait par surcroît un pull-over jaune, sa couleur favorite, sous sa veste d'uniforme. MOUCHOTTE, mi-figue, mi-raisin, me l'avait confié pour le tester. Nous décollons chacun dans un Spitfire et nous commençons entre les nuages un combat tournoyant. Je lui prépare le coup du lapin à ma façon puis, tout à coup, je ne le vois plus. J'entends alors à la radio sa voix traînante... « Tac-tac- tac, t'es mort ! » Il était derrière moi en position de tir ».

    Au sujet de son affection pour la couleur jaune, alors qu’il était affublé de la façon décrite par Pierre Clostermann, un jour où le Général de Gaulle vient passer en revue le Squadron 341, celui-ci très agacé par l’accoutrement d’Henri MATHEY, lui adresse une sévère remontrance, ce à quoi notre pilote répond :

« Je suis habillé ainsi parce que je suis un civil venu faire la guerre que les militaires ont perdu … »


Le Général aurait fait semblant de ne pas avoir entendu …

    Henri avait minutieusement préparé son départ pour Londres. Il savait que beaucoup de ceux qui passaient par l'Espagne se faisaient prendre parce qu’ils avaient l'air de clochards. Lui, part avec une valise en croco, des pantalons de golf, une veste en tweed d'Old England. Arrivé aux Pyré­nées, il sort de sa valise son anorak, achète une paire de skis à Font-Romeu, et traverse les Pyrénées (il skiait comme un champion). Arrivé de l'autre côté, il retire son équipe­ment et fait du stop. A la première voiture qui s'arrête, il dit, avec un accent américain « Ma Rolls est en panne, conduisez-moi s'il vous plaît à Bar­celone... »


    A Barcelone, le consulat d'Angleterre, le met dans un train pour Lisbonne. A la frontière il est intercepté par la police secrète portugaise, mais un policier partisan des alliés le laisse échapper en lui donnant l’adresse d’une planque qui n’est autre qu’une maison close bien connue de Lisbonne ! Il y séjournera bon nombre de jours, le temps que les Anglais s'intéressent à lui. Quand ils viennent le chercher, il a déjà beaucoup maigri … alors qu’il est très bien nourri !


    Voici le récit d’Henri MATHEY sur son vol sur Arnhem :


    « Je participe sous le commandement du capitaine ANDRIEUX, à une mission de protection sur Arnhem en Hollande. Plusieurs milliers de parachutistes, des centaines de planeurs Horsa et Waco, largués au-delà du Rhin, devaient faciliter aux Alliés le franchissement de ce fleuve et accélérer la fin de la guerre permettant la jonction avec les troupes au sol. Hélas, cela ne se fit jamais. Les paras anglo-canadiens, pris en étau par les troupes allemandes, malgré des combats héroïques, furent pour la plupart massacrés. La première Division aéroportée britannique perdra 7 500 de ses 10 000 hommes engagés dans cette opération. Beaucoup furent faits prisonniers. Rares furent ceux qui purent regagner les lignes alliées. Un vrai désastre ! C’est alors que nous volons au-dessus de cette bataille meurtrière que, brutalement, le moteur de mon Spitfire, après quelques ratés, s’arrête net. Sans doute un problème d’alimentation. Je passe immédiatement du réservoir supplémentaire sur le réservoir principal, en actionnant vigoureusement la pompe à injection pour rétablir le circuit d’essence. En vain. A la radio je lance le message tant redouté « Red 3, engine trouble ». Alors que l’escadrille s’éloigne, j’amorce un vol plané fidèlement suivi de mon numéro 2, tout en continuant de pomper dans l’espoir de faire redémarrer le moteur. Par chance, mon hélice entraînée par la force du vent, tourne toujours. Mais perdant de plus en plus d’altitude, je décide de sauter en parachute. J’ouvre le cockpit, trop tard, je suis trop bas. Résigné au crash je m’attends au pire. Miracle ! Le moteur redémarre. Je reprends peu à peu de la hauteur, le Spit à nouveau tourne rond, je suis sauvé. Soudain des balles traçantes m’entourent, je suis la cible idéale pour la DCA allemande, vu ma faible altitude. Contre toute évidence je garde encore espoir. Tout à coup un choc, une odeur d’huile chaude se répand dans la carlingue. Je suis touché. Le moteur stoppe définitivement, l’hélice se met en croix. Situation angoissante pour moi qui pensais que cela ne pouvait arriver qu’aux autres ! Très vite, la panique fait place au calme. Je pousse très fort sur le manche pour conserver ma vitesse, je serre mon harnais au maximum, j’avise un champ. C’est le retour brutal, fracassant, le choc avec le sol, sur le ventre, mon Spit laboure la terre, l’hélice vole en éclats, l’avion s’immobilise enfin dans un grand silence. Quoiqu’un peu choqué, mais sain et sauf, sans une égratignure, je saute hors du cockpit comme un diable sort de sa boîte et cours me dissimuler dans une haie proche. Les Allemands m’ont vu tomber, ils me cherchent… »

    Il est aussitôt capturé et soumis à un interrogatoire musclé. Les gens de l'Abwher croient qu'il est polonais, et lui tapent dessus pour le faire avouer. Il est donc expé­dié dans un camp où on saura le faire parler... Dans le train, il fait à ses gardiens le coup classique qui marche toujours : « Je veux faire pipi. » II bloque la porte, ouvre la fenêtre. Maigre comme un clou, il arrive à se faufiler entre les barreaux, mais le train a pris de la vitesse et la sentinelle allemande commence à enfon­cer la porte. Impossible de rentrer, les poteaux télé­graphiques lui défilent au ras des fesses. Foutu pour foutu, il lâche tout, tombe dans le fossé, roule et, miracle, il n'a rien de cassé ! Il part vers l'ouest, et le soir venu observe un peu la situation autour d'une ferme isolée. A première vue, rien à craindre, il n'y a qu'une fermière qui donne à manger à ses poules. Il y va. Un mois après il y est encore. Elle cachait ses chaussures la nuit dans un coffre fermé à clé pour le garder auprès d’elle. Son mari était depuis deux ans prisonnier en Russie... Finalement Henri parvient à partir, après bien des serments, jurant qu'il reviendrait après la guerre, mais le mari est revenu avant lui … Toujours à pied, notre héros prend la direction de Cologne avec l’objectif de passer le Rhin à la nage.

    Arrivé à Cologne au milieu d'un bombardement, il prend une brique sur le crâne et se retrouve à l'hôpital. Après un contrôle d'identité il est renvoyé dans un camp en Prusse orientale. Il arrive en pleine offensive russe, s'évade, les cosaques qui le prennent pour un teuton le coffrent et il reçoit encore des baffes, puis subi un interrogatoire hyper musclé. Une fois de plus il réussit à s'enfuir. Il retrouvera l’Angleterre plus amaigri que jamais, mais trépignant pour retourner au combat. Nous sommes en mai 1945, et l’armistice arrive avant qu’il ne reparte en mission.

    De retour à la vie « civile » il reprend l’affaire de son père, créateur des Docks Franc-Comtois (en 1912), qu’il fait évoluer. En 1965, Henri MATHEY fonde le groupe CEDIS constitué par la fusion de quatre sociétés de distribution : La Comtoise, les Docks Francs-comtois et bourguignons, l’Économique bisontin et les Comptoirs de la Bourgogne.

    C’est à cette époque qu’il fréquente l’Aéroclub de Besançon-Thise, dont il est membre mais n’a pas conservé sa licence de pilote privé en état de validité. Cependant il vole en « sac de sable » avec les tout jeunes pilotes du club en prenant le coût du vol à son compte. Michel GUYOTTE jeune breveté à cette époque n’oublie pas la classe, la simplicité et la bonté du héros qui lui disait en s’installant dans le Jodel : « Comme ça gamin, ça te fera des heures de vol gratos… »

    Après avoir créé 18 hypermarchés Mammouth, en 1985, la CEDIS est rachetée par le groupe Casino et Henri MATHEY peut prendre une retraite méritée.

    Il décède à Besançon sa ville natale, le 10 octobre 2010, à l’âge de 91 ans.


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