Une opération aéroportée en région lyonnaise en août 1944

 

Le dimanche 9 juillet 1944, à 12 heures, à Saint Symphorien sur Coise (69), les hommes du secteur V de la Résistance du Rhône sont à l'écoute de la BBC. Dans les messages personnels du jour, ils reconnaissent celui qui annonce le parachutage de la nuit sur le terrain de Duerne " Xénophon a une perruque ". mais un second message laisse entendre que cette opération sera différente " Cinq amis visiteront ce soir la perruque de Xénophon ".

Dans la nuit du 9 au 10 juillet, sur la DZ 'Saphir' (Drop Zone -zone d'atterrissage aménagée ponctuellement), un Halifax du 161 Squadron de la Royal Air Force largue 18 containers et cinq parachutistes : Raymond Basset, Daniel Boutoule, Marcel Réveilloux, Dominique Zanini et Michel Castets. Raymond Basset, alias Commandant Mary a déjà multiplié les exploits et les missions de sabotage dans la région au cours de trois précédents parachutages. Cette fois, c'est une nouvelle mission qui lui est confiée à la tête de la 'Mission Gingembre' : entraver le repli des troupes allemandes en coordonnant l'action des diverses équipes. Le 18 juillet 1944, le Commandant Mary-Basset devient le délégué militaire du Rhône et de la Loire.

Le 23 juillet, avec une dizaine d'hommes, en sept minutes, en gare de Vaugry (38), il fait sauter un train de la Luftwaffe composé de 46 wagons-citernes. D'autres opérations spectaculaires suivent : cinq trains déraillent dans le tunnel de Tarare (69), un train de chenillettes à Bourgoin (38), un train de blindés à Givors (69), etc...

Le commandant Mary-Basset réclame à Londres des hommes et des armes pour poursuivre son action à la veille de la Libération. Pour cela, on fera appel aux SAS (Special Air Service créé en 1941, unité de forces spéciales de l'armée britannique composée de volontaires qui mènent des raids de commando sur les arrières des lignes ennemies).

Mais qui sont ces SAS ?

Au début de la Seconde Guerre mondiale, il existe en France, les groupes 601 et 602 de l'Infanterie de l'Air qui sont des groupes aéroportés, mais utilisés comme infanterie classique, voir comme groupes-francs. Les unités aéroportées françaises des forces françaises libres sont créées par le Général de Gaulle, le 29 septembre 1940, sous le commandement du Capitaine Georges Bergé.

En juin 1941, en Algérie, les groupes 601 et 602 forment la Compagnie d'Infanterie n° 1 qui deviendra en 1943, le 1er Régiment de Chasseurs Parachutistes (RCP). En Angleterre, à partir d'évadés et de volontaires, sont constitués en 1943, les 2 et 3ème Régiment de Chasseurs Parachutistes qui sont rattachés aux régiments anglais des SAS.Ceux-ci participent au débarquement en Normandie, mais aussi à plusieurs opérations aéroportées de type commando au-dessus de la France au cours des mois de juin à août 1944. C'est ainsi qu'est organisée l' Opération JOCKWORTH qui comporte 57 hommes du 3ème RCP, sous le commandement du Capitaine Paumier. Elle a pour but de harceler les mouvements de l'ennemi sur les routes et voies ferrées entre Lyon/Saint Etienne/Vienne. Pour cette mission sont parachutés 37 hommes :

A - dans la nuit du 14 au 15 août, au col de Casse Froide sur la DZ Heliotrope, près de Marchampt (69), à partir des Stirling n°12, n°13 et n° 14 du RAF 190 Fairford, pilotés par P/O Atkinson, W/O Middleton et P/O Port, sont largués :

- stick V du 3ème SAS de 10 hommes : Lt Yves Gayard, Sgt Jean de Laboulaye, Cpl Jean de Lipkowsji, Lucien Grosse, Jacques Hucher, Jacques Marchand, Xavier Nesa, Pierre Rossini, Jean Savelli et Paul Tabet.

- stick VI du 3ème SAS de 10 hommes : Aspirant Claude Barrès, Sgt Toussaint Sisco, Cpl Yves Arnat,Cpl Raymond Hauser, Cpl Maurice Sanders, Jacques Bébon, Georges Chaboche, André Giusti, André Terrasson et Jean Lacloche de Vallombreuse.

- stick sabotage du 3ème SAS de 7 hommes : Lt Hourst, Cpl Pierre Berbasconi, Cpl Louis Nertino, Jacques Boyer, Paul Ménard, Yago Ragnacci et André Tétard.

B - nuit du 14 au 15 août, (ce parachutage pourrait avoir eu lieu dans la nuit du 15 au 16) à l'Aubépin, sur la DZ Vinaigrette, commune de Larajasse, entre Saint Symphorien sur Coise et Sainte Catherine (69)

- stick VIII du 3ème SAS de 10 hommes : Lt Joseph Ferchaud, Sgt Marcel Mauchaussé, Sgt Louis Fisset, Sgt Armand Lecrubier, SAS Jean Angeli, Marcel Cojocarrio, Jean Hameury, François Llavador, Marc Caillaux et Jean Mayer

Monument inauguré le 16 septembre 1984 à proximité de la chapelle Saint Appolinaire

A ces unités de SAS est également larguée, dans la nuit du 14 au 15 août, au col de Casse Froide sur la DZ Heliotrope, près de Marchampt (69), à partir d'un Stirling de RAF 190 Fairford, l'équipe Jedburgh 'Jude' composée d'Evans, Larrieu et Holdham.(une équipe Jedburg se compose de trois hommes dont un radio et un représentant originaire du pays dans lequel a lieu la mission). Cette mission a pour but de coordonner les diverses actions de la Résistance locale.

Dans la nuit du 15 au 16 août 1944, un tragique accident aérien s'est produit à Duerne sur la DZ 'Saphir'. Vers 1h 30, venant d'Angleterre, le B 24, serial 42-40172, appartenant au 492nd Bomber Group de la 8th Air Force doit procéder à une mission de parachutages de containers. Pour diverses raisons, l'emplacement de la DZ est modifié au dernier moment. Après une première approche, l'appareil heurte le sommet des arbres lors du largage et s' "crase au sol en brulant. A bord de l'appareil, huit membres d'équipage, sept qui trouveront la mort seront ultérieurement inhumés au cimetière militaire américain de Draguignan. Un seul membre d'équipage, grièvement brulé survivra et reviendra sur les lieux plusieurs années après l'accident. Lors de l'accident, un membre d'équipage sera sauvé des flammes par le Lieutenant Jean-Lucien Feuz et le sergent Georges Berthillot, mais décédera dans les heures qui suivent. Ces deux sauveteurs seront médaillés pour acte de bravoure. Tous deux appartiendront ultérieurement aux Vieilles Tiges Groupement Antoine de Saint Exupéry, et Jean-Lucien Feuz en deviendra Président de ce Groupement.

Au cours de la journée du 17 août, les SAS en relation avec les maquisards locaux préparent une opération de sabotage qui a pour but de couper la ligne ferroviaire entre Saint Germain au Mont d'Or, Lozanne et Roanne. Opération réussie sans pertes. Mais le combat continue.

Le 22 août, les SAS et des membres de la Résistance s'emparent de 6000 litres d'essence, sous les tirs de l'ennemi, dans un dépôt de carburant à Pierre-Bénite.

Le 28 août 1944, depuis le terrain de Ghisonaccia en Corse, décollent des bombardiers B 25 du 321 et 340 Bomb Group qui ont pour mission d'attaquer des objectifs ferroviaires en région lyonnaise, à savoir :

Entre 8h 59 et 9h 13, 18 B 25 du 340 Bomb Group larguent 24 bombes de 1000 lb sur le viaduc ferroviaire traversant Tarare. Le bombardement de ce viaduc, bien que situé en pleine ville, ne sera pas atteint et on ne déplore pas de victimes.

A 9h 10, 18 B 25 du 321 Bomb Group larguent 35 bombes de 1000 lb sur le pont ferroviaire franchissant l'Azergues à Anse. Le pont ne sera que partiellement détruit et la voie ferrée coupée 24 heures. Dans le voisinage du pont, on déplore 23 morts, 15 blessés et 10 maisons détruites.

A 9h 20, 18 B 25 du 321 Bomb Group larguent 70 bombes de 1000 lb sur le viaduc ferroviaire de Bois Dieu à Dommartin. Le pont est pratiquement intact et la gare de Dommartin détruite, mais on déplore 3 morts et 5 blessés.

Ces missions de bombardement étaient inutiles, puisque les liaisons ferroviaires dans ce secteur étaient neutralisées depuis l'opération de sabotage du 17 août.

Enfin, le 3 septembre, les SAS sont les premiers à entrer dans Lyon.

Sources : Tentative de reconstitution de l'historique des infiltrations d'agents ; Un Français Libre, Joseph Ferchaud ; Français SAS ; Le Commandant Mary-Basset (Mémoire-Net)

Contribution à la Mémoire Aéronautique
Groupement Antoine de Saint Exupéry
Les Vieilles Tiges

Une opération aéroportée en région lyonnaise en août 1944 © Paul MATHEVET 06/2011

Retour