HOMMAGE
A
Des «Poilus» qui sont devenus «Aviateurs» au cours de la Première Guerre mondiale.

«Un pilote ne meurt jamais, il s'envole juste et ne revient pas»

Antoine de Saint Exupéry
 

    La loi du 29 mars 1912 consacre «l'aéronautique militaire» comme arme aux côtés des quatre armes «de tradition» que sont l'infanterie, la cavalerie, l'artillerie et le génie. En 1914, l'aéronautique militaire ne disposait que de 31 escadrilles de 6 avions, et il n'avait été délivré que 657 brevets de pilote. L'aviation est alors considérée comme un sport pratiqué par de jeunes gens fortunés... L'Armée de l'Air ne sera créée qu'en juillet 1934.


    Chronologiquement et exception faite du personnel déjà engagé dans l'aéronautique militaire, c'est la cavalerie qui a fourni les premiers contingents importants de pilotes en 1915. Toutefois, dès 1916 et jusqu'à la fin du conflit, l'infanterie devint le principal vivier de cette spécialité. Loin derrière les fantassins, mais avec un rôle de plus en plus important, les artilleurs, à partir de 1917, enlevaient la deuxième place aux cavaliers. Avec la fixation du front et l'intensification de la guerre des tranchées, les cavaliers furent les premiers à quitter une arme qui avait du mal à justifier sa raison d'être. L'infanterie, par l'énorme quantité d'hommes qu'elle mobilisa, pouvait répondre massivement aux demandes de l'Etat-Major, sans trop pénaliser les effectifs de ses unités. Les artilleurs devinrent souvent pilotes en passant par l'étape intermédiaire d'observateur, tout particulièrement à partir de la fin 1916.

    Dans les premiers mois de la Première Guerre mondiale, on assiste à une guerre de mouvement entre les deux belligérants, puis rapidement ils se cantonnent dans une guerre de position. De part et d'autre, on creuse un réseau de tranchées coordonné à des postes de commandement ou de secours. Mais les premières lignes sont un entrelacs de 'boyaux' à portée de l'ennemi. Dès les premières pluies, les soldats, qui se réfugient dans des 'cagnas' (abris creusés dans la terre), pataugent dans la boue, les vêtements mouillés ne peuvent plus sécher, aucun moyen pour faire sa toilette, la vermine s'installe et les rats pullulent, les maladies infectieuses s'invitent. A ces tristes conditions de la vie matérielle s'ajoute l'horreur de la guerre et, lors des combats les vivants partagent le sol avec les morts. La propagande officielle veut rendre le moral aux troupes en glorifiant  le soldat barbu et sale, en le dénommant 'POILU'. Mais les poilus n'ont qu'une hâte, s'ils ne sont pas encore blessés ou tués, c'est de quitter cet enfer des tranchées.

    L'effort de guerre permet, en un temps relativement court, la construction de nombreux appareils, mais la formation de pilotes ou de spécialistes confirmés exige plusieurs mois d'apprentissage. Il se murmure que l'aéronautique militaire cherche des volontaires, aussi sont nombreux les poilus qui postulent, mais les chefs sont réticents de perdre des hommes de tous grades, et ont peurs que ces départs démoralisent les troupes. De nombreux blessés reconnus inaptes au combat demandent aussi 'à passer' dans l'aéronautique militaire.

    C'est le thème de notre texte d'analyser 'Ces Poilus devenus Aviateurs'.

    Au début de la guerre, l'avion n'est conçu et utilisé que pour l'observation et le bombardement de jour sur les arrières de l'ennemi. Pour cela, on adopta la formule du biplace à moteur propulsif, ce qui permet de placer l'observateur dans un véritable balcon. Lors de la bataille de la Marne, en septembre 1914, les missions de reconnaissances permirent de détecter le changement d'orientation des troupes allemandes. Mais bien souvent, les Etats Majors de l'Armée de Terre ne font pas confiance aux aviateurs jugés parfois comme «des acrobates indisciplinés avec lesquels on ne doit pas perdre son temps». Toutefois, certains équipages mirent au point le réglage d'artillerie en entente avec des batteries. Pour vaincre le scepticisme des Etats Majors, des appareils emmenèrent des appareils photos à bord et démontrèrent l'intérêt de la photo aérienne. En décembre 1914, le Lieutenant Vuillemin de l'escadrille C.M, seul à bord d'un Caudron C, 2 réussit des réglages d'artillerie à partir d'un émetteur de TSF.


    Dans les premiers mois de la guerre, les avions français et allemands  qui se consacraient aux missions de reconnaissance se croisaient dans les airs, et on n'admettait l'emport d'armes à bord que pour se défendre en cas d'atterrissage forcé dans les lignes ennemies. Or, le 5 octobre 1914, le pilote Joseph Frantz, à bord d'un Voisin, et son observateur Quénault réussissaient pour la première fois à abattre en combat aérien un biplace allemand.

    L'épreuve des missions a révélé les inconvénients d'une trop grande diversité des types d'avions, de leur fragilité et du manque de puissance des moteurs. D'où, une rationalisation des appareils en fonction de leurs missions. Le nombre d'escadrilles est porté rapidement à 65, et l'ensemble des formations emploie 130 officiers d'encadrement, 500 pilotes (officiers et hommes de troupe), 240 observateurs et 4.650 hommes de troupe (mécaniciens, conducteurs...).



   
    On doit au Commandant de Goÿs d'avoir organisé l'aviation de bombardement, dont l'efficacité dépendait de son engagement massif. Le bombardement se faisait de jour avec une météo favorable,  à une vitesse d'environ 90 km/h et à une altitude de 1.500/2.000 mètres en dehors de la portée des mitrailleuses. La panne de moteur était redoutée. Les missions de bombardement sur l'Allemagne débutèrent en mai 1915. Les Allemands mirent en place une défense anti-aérienne conséquente et nos pertes allèrent croissantes d'autant que les Voisin de bombardement étaient trop lents et vulnérables. On essaya alors le vol de nuit et l'on modifia la technique du bombardement.

    L'aviation de chasse est née lors de la bataille de Verdun en mars 1916.  Navarre qui y a obtenu la majorité de ses victoires fut surnommé «la sentinelle de Verdun», mais Guynemer, Nungesser, Chaput, Brocard, Deullin, Lufbéry, Boillot, etc... y participèrent. Il était impératif d'avoir la maîtrise de l'air pour protéger l'aviation de reconnaissance et d'observation. La véritable révolution, qui est à l'origine de la chasse,  fut apportée par la mitrailleuse fixe dans l'axe tirant à travers l'hélice et pointée par la manoeuvre de l'avion monoplace. Roland Garros démontra la validité du tir axial.

    Le 7 décembre 1917, un nouveau plan proposait de porter le nombre des avions en ligne à 4.000 au 1er juillet 1918 : dont 1.500 d'observation et de reconnaissance, 1.500 de chasse et 1.000 de bombardement.  C'est sur ce plan que devait porter tous les efforts, tant de l'industrie que l'arrière pour la formation du personnel.

    Les Breguet XIV et le Salmson 2 A 2 étaient entrés en service, le Spad 13 était prêt, mais on était en retard dans la mise au point d'un bombardier efficace.    


    Et les hommes ?

    En 1914, l'Aéronautique Militaire disposait d'une école de pilotage créée à Pau en 1910, dotée de 50 appareils, et d'une deuxième école implantée à Avord, dotée de 40 avions. 321 pilotes brevetés militaires étaient en service à l'entrée en guerre. Les besoins  évidents de pilotes ont provoqué  la création de nouvelles écoles : Chartres, Etampes, Le Crotoy, Buc, Ambérieu en Bugey, Chateauroux, Tours, Istres et Dijon. Puis on ferma les écoles de Buc, Etampes et Dijon et on transforma en écoles de perfectionnement,  Pau, Avord, Le Crotoy et Chartres. Les écoles de perfectionnement  accueillaient les pilotes brevetés sur Voisin, Caudron G3 et Nieuport 80 cv pour les transformer selon leur spécialité : chasse, bombardement, observation ou sur bimoteur.

    Les mécaniciens étaient recrutés parmi les mécaniciens-autos du secteur civil ; une école était installée à Bordeaux pour leur donner les rudiments de la technologie aéronautique.

    En 1914, on se contentait de faire passer un brevet en 25 heures de vol, ce qui demandait 40 jours à 3 mois, selon la saison. Puis, on envoyait le pilote en escadrille où il se débrouillait. En 1916, la formation devint plus sérieuse : on conservait la phase initiale de 25 heures ; les épreuves du brevet consistaient en une descente en spirale de 500 mètres, 2 voyages de 60 kilomètres aller et retour, 2 triangles de 200 kilomètres en deux jours, 1 heure à 2000 mètres et 50 atterrissages. Après la réussite de ces épreuves, le pilote partait en perfectionnement :  pour la chasse,  la voltige à Pau et le tir à Cazaux ; pour la reconnaissance à Chartres ; pour le bombardement au Crotoy. A l'issue de ces stages qui duraient de 3 à 6 mois selon la saison, les pilotes étaient envoyés dans les Groupes Divisionnaires d'Entraînement où le Grand Quartier Général puisait pour alimenter les escadrilles au front.

    Le taux d'accident dans les écoles de début était en 1918 de 1 tué pour 250 élèves brevetés, et dans les écoles de perfectionnement à 1 tué pour 100 pilotes perfectionnés.

    Le personnel pilote devait être volontaire. Au début du conflit, les chefs de corps ne voulaient pas lâcher leurs hommes qui souhaitaient «passer dans l'aviation» afin de ne pas démoraliser les autres. Des 'poilus' qui connaissaient  l'enfer des tranchées se portaient volontaire pour l'aéronautique militaire. Un bon nombre de blessés «inaptes infanterie» furent affectés à l'Aéronautique Militaire. 

    Le nombre de pilotes brevetés était de 134 en 1914, de 1.848 en 1915, de 2.698 en 1916, de 5.609 en 1917 et 6.900 en 1918, soit un total de 16.825 pilotes brevetés. Le 11 novembre 1918, le soldat Adrien Valière se voyait attribué le brevet de pilote militaire n° 17.054. On estime à environ 74.000 le nombre des personnels (pilotes, mécaniciens, observateurs, mitrailleurs, photographes, météorologistes, voiliers, charpentiers, personnel d'intendance ) ayant servis dans l'Aéronautique Militaire au cours de la Première Guerre mondiale.

    A l'armistice de 1918, l'aviation militaire française comptait 10.000 appareils, dont 3.800 en ligne répartis en 288 escadrilles, 3.000 appareils en école et 3.000 en réserve. Notre industrie aéronautique était la première au monde. Elle employait 190.000 et avait produit pendant les quatre années de guerre 50.000 avions et 90.000 moteurs.

    Au moment où la Première Guerre mondiale prend fin, l'aviation militaire française est la première du monde, mais au prix de combien de pertes en vie humaine !

    Mais la flamme n'est pas éteinte. Des pilotes et mécaniciens qui ont connu la vie en escadrille se retrouvent au sein des compagnies aériennes commerciales qui se créent : Lignes Farman, Franco-Roumaine, Air Union, Lignes Latécoères, l'Aéropostale, etc... et certains écriront des pages de l'aviation commerciale française et internationale.


    En 1922, au lendemain de la Première Guerre mondiale, des pilotes (Léon Bathiat, Joseph Sadi-Lecointe, Jean-Claude Bernard, Paul Scheneider et Joseph Frantz), qui veulent entretenir l'esprit de camaraderie connu à l'escadrille, fondent l'Association Les Vieilles Tiges. La solidarité et la mémoire des Anciens en sont les buts.

    Aujourd'hui, en 2014, Les Vieilles Tiges de Hier et de Demain se doivent de rendre un hommage à ces Poilus devenus Aviateurs.

    C'est ainsi que la Commission Mémoire Aéronautique du Groupement Antoine de Saint Exupéry des VIEILLES TIGES propose un aperçu sur l'Aéronautique Militaire et un recensement par département :

'Des «Poilus» qui sont devenus «Aviateurs» au cours de la Première Guerre mondiale'.

Départements de l'Ain (01), de l'Allier (03), de l'Ardèche(07), de la Drôme (26), de l'Isère (38), de la Loire (42), de la Haute Loire (43), du Puy de Dôme (63), du Rhône (69), de la Saône et Loire (71), de la Savoie (73) et Haute-Savoie(74).

Commission Mémoire Aéronautique       
Groupement Antoine de Saint Exupéry      
Les Vieilles Tiges
 
Des «Poilus» qui sont devenus «Aviateurs» au cours de la Première Guerre mondiale. (C)  Paul Mathevet   11/2014

Retour