Historique
des opérations clandestines dans la plaine de l'Ain
au cours de la Seconde Guerre mondiale
Le samedi 21 septembre 2013, à 14h 45, sera commémoré le 70ème anniversaire des atterrissages clandestins dans la Plaine de l'Ain. Une cérémonie aura lieu au lieu-dit 'Les Bergeries' à Saint Vulbas (Ain) devant le monument «Aux Passeurs du clair de lune», commémorant l'action et le courage des pilotes du 161ème squadron de la Royal Air Force et un hommage sera rendu aux équipes de réception composées de résistants locaux. A l'issue de la cérémonie, au Centre International de Rencontres de Saint Vulbas, évocation des témoignages sur ces événements suivi d'un vin d'honneur. Accès: En
venant de Lyon
par autoroute A 42, sortie n° 7 direction
Saint Vulbas.
Dans le carrefour, en arrivant à Saint Vulbas, prendre la route en
direction de
Sainte Julie. La stèle se trouve en bordure de route, à gauche, à
hauteur du
hameau Les Bergeries. Un
parachutage d'armes a
lieu à Blyes dans la nuit du 28 au 29 mai 1942 pour le compte du réseau
'Coq
Enchaîné'. Le message de confirmation qui a été émis par la BBC
était «Nicolas dit salut aux vivants». La
localisation exacte de ce parachutage pourrait être sur le lieu du
futur
terrain 'Figue''.
A son retour
d'Angleterre, le 31 août 1942, Henri MORIER constitue, au sein du
réseau
'Phalanx', une équipe qui est chargée de localiser des terrains de
parachutage
et d'atterrissage. Pierre DELAYE, radio et officier d'opérations
aériennes, et
son frère Jean se retrouvent à Loyettes chez Marius SABY pour
établir les liaisons radio avec
Londres. Ils font établir l'homologation du terrain 'Lièvre' qui
se situe au lieu-dit 'La Gaillarde' entre le Rhône et la route de
Loyettes
à Lagnieu. Edouard HERRIOT, ancien Président du Conseil et Maire de Lyon est placé en 1942 en résidence surveillée dans sa propriété de la maison-forte de Brotel à Saint Baudille de la Tour (Isère). Le 26 novembre 1942, il est transféré à Evaux les Bains (Creuse) avant d'être déporté en Allemagne. Un témoin, membre du comité de réception, nous a indiqué qu'en 1942, un appareil allié s'était posé à l'ouest de Crémieu, à Villemoirieu, à gauche de la route conduisant à Pont de Chéruy. Le pilote a attendu pendant de longues heures l'arrivée d'Edouard HERRIOT qui devait s'embarquer dans l'avion. Mais Edouard HERRIOT, vu sa forte corpulence, n'a pu pénétrer dans l'avion...
Nuit du 11 septembre 1942, un Lysander doit se poser à la jonction de l'Ain et du Rhône dans le cadre de l'opération 'Vesta' sous la responsabilité de Pierre DALLAS. L'appareil ne se pose pas en raison du mauvais temps.
Nuit du 25 au 26 septembre 1942, un Lysander, piloté par le Lieutenant J.C. BRIDGER, doit se poser à la jonction de l'Ain et du Rhône dans le cadre de l'opération 'Vesta' sous la responsabilité de Pierre DALLAS. L'appareil se pose sous une pluie battante, mais son balisage était disposé dans un champ de l'autre côté du Rhône, à cinq cent mètres du terrain prévu. La piste était couverte de chaume court, trempée et molle. Une roue s'enfonça jusqu'à l'axe et dut être dégagé par quatre paires de mains. Pour extraire les roues de la boue, on dut enlever les carénages du train d'atterrissage. A l'arrivée, le Commandant Léon FAYE du Réseau 'Alliance' qui apportait à Marie-Madeleine FOURCADE, l'argent et les codes de son réseau. Au départ, le Commandant Jean BOUTRON, mais celui-ci n'était pas là considérant que l'opération n'aurait pas lieu, compte tenu du mauvais temps.
Le terrain 'Lièvre' se
situe dans les landes de la plaine de l'Ain, à 3 kilomètres au nord-est
de
Loyettes, au lieu-dit 'La Gaillarde'. C'est sur cet emplacement
qu'était
implanté le terrain d'aviation militaire qui a accueilli l'Escadrille
de
chasse de nuit 5/13 (ECN 5/13) en 1940.
Nuit du 14 au 15 janvier 1943, un Lysander, piloté par le Commandant Hugh VERITY, doit se poser sur le terrain dans le cadre de l'opération 'Corinne', sous la responsabilité de Pierre DELAYE pour le réseau 'Phalanx' du BCRA. A l'arrivée, deux passagers et au départ : Christian PINEAU, Boris FOURCAUD et André BOYER. C'est un baptême pour Hugh VERITY, car c'est son premier atterrissage clandestin en France. Le premier d'une longue série d'opérations, plus de 25.
Hugh
VERITY dans son ouvrage «Nous atterrissions
de nuit...» raconte : «
Pour mon second vol
opérationnel, mon objectif était un terrain près de Loyettes, à l'est
de Lyon
-bien loin pour un Lysander. Mon appareil était le Lysander D, D comme
Dog. Les
grosses lettres rouges sur le côté du fuselage noir étaient «MA».
Venaient
ensuite la cocarde de la RAF, puis la lettre de l'appareil D. Je
l'essayai en
vol le matin pendant une demi-heure. Les
prévisions
météorologiques étaient convenables. Il y avait bien nuages et pluie à
traverser au nord et au centre de la France. Un front chaud orienté Sud
Ouest-Nord Est devait couper ma route. Du moins les vents rendaient
négligeables le risque de brouillard sur le terrain. Après des
préparatifs très
semblables à ceux du précédent envol, je décollai et suivis une route
identique
jusqu'à Nevers. Mais comme j'approchais de la Loire les nuages s'
amoncelèrent sur la Normandie et le ciel s'obscurcit de
plus en plus. J'allumai le cockpit, j'observai alors que je volais au
travers
d'une pluie froide qui recouvrait de glace les bords d'attaque des
ailes. Il me
fallait vérifier que le dégivrage était branché. Si le tube Pitot était
obstrué
par la glace, je n'aurais pas d'indicateur de vitesse et mes
instruments de vol
étaient mon seul point de référence dans cette pluie noire. Je mis le
réchauffage-carburateur et ouvris un peu les gaz. La glace ne se
formait pas rapidement,
le Lysander maintenait son altitude. Il valait peut être mieux de
descendre dans de l'air un eu plus
chaud tout en maintenant une altitude suffisante. Tout se passa bien et
je pus
sortir du mauvais temps. Mon premier point était aux environs de
Chateaudun.
Aux approches de la Saône, la position
était confortable sous les nuages et la nuit était assez claire pour
qu'on pût
apercevoir les rivières.
J'avais l'intention de
faire le point entre Lyon et Villefranche. Certain de me trouver en
présence de
la Saône, mais pas sûr du tout de ma position au dessus d'elle, je
baissai la
tête pour étudier la carte, quelques secondes de trop. Quand je la
relevai, je
me dirigeais droit sur un grand pylône de radio. J'effectuai sur la
droite un
brutal virage incliné et manquai de peu l'obstacle. Les effets de «g»
durent, à
ce moment là, multiplier notre poids par deux ou trois, ...moment
d'angoisse
pour mes deux passagers qui ne s'y attendaient pas. J'eus une frousse
du diable
à la pensée de ce que j'avais risqué. Un afflux d'adrénaline me laissa
tout
tremblant.
Je me repris,
observai
attentivement la rivière et fis le point sur la carte. Je longeai le
fleuve
jusqu'au point où ma ligne de route le croisait sur la carte, puis
repartis en
direction de mon objectif. Les lumières de Lyon étaient visibles. Mon
terrain
était maintenant facile à trouver, entre le Rhône et l'Ain. La lampe
électrique
de l'agent indiquait d'ailleurs la lettre correcte en morse. Je
répondis par ma
propre lettre et vis les trois autres lumières s'allumer. Leur forme en
L
renversé semblait si familière. Je volai parallèlement à la longue
jambe du
L en regardant la direction de mon
compas. J'effectuai un virage de 180 ° pour me retrouver en vent
arrière à quelque
170 mètres au-dessus du sol, réduis les gaz à 160 km/h et réglai mon
fletner.
Je vérifiai que le mélange-carbu était normal et la manette de pas
d'hélice sur
petit pas. Je regardai attentivement
le terrain et ses approches, il n'y avait
pas d'arbres à éviter. Puis,
à cent trente
mètre au-dessus du terrain, j'amorçai en douceur un virage en descente
à
gauche de 180° pour redresser au-dessus de la haie, à
environ 110 km/h avec mes becs de
sécurité sortis, mes volets descendus et un peu de gaz ; puis droit en
direction du sol après un minimum d'arrondi et de palier en coupant les
gaz. Un
peu de frein, prudemment d'abord,tandis que le Lysander avançait en
s'ébrouant
quelque peu. Quand l'aile gauche passa la seconde lampe, à environ cent
cinquante mètres de mon point
d'arrivée, je roulais suffisamment
lentement pour effectuer un virage serré à droite, devant la troisième
lampe, et me diriger vers le comité de réception à la première lampe.
Pendant
ce temps là, je prenais mes dispositions pour le décollage. En
arrivant, aile
gauche à hauteur du comité de réception, après un autre virage en
épingle,
j'avais encore la main droite sur l'étui de mon Luger 9 mm placé
sur le rebord du cockpit un peu en
arrière et au-dessus de la manette des gaz.
Maintenant, je distingue
parfaitement le petit groupe, remets à sa place le cran de sûreté du
Luger,
fais signe de la man, crie mes meilleurs souhaits aux passagers et
ouvre le
toit. L'agent responsable saute sur le carénage du train d'atterrissage
et me
secoue la main avec un bon sourire. Ses cheveux se trouvent dans le
vent de mon
hélice qui tourne encore Au
bout de quatre
minutes environ l'échange des bagages et passagers est fait, l'OK de
l'agent me
parvient. Je m'éloigne en faisant des signes amicaux. Il est 0h 14. Mon
premier
atterrissage en France occupée a vraiment été très facile. Terrain bon,
balisage correct, manoeuvre et réceptions parfaites.
J'avais oublié que nous
avions été pris en chasse par un chasseur de nuit ennemi sur le chemin
du
retour, près de la côte française, et que j'avais dû zigzaguer à très
basse
altitude pour m'en débarrasser. J'atterris à Tangmere ayant tenu l'air
huit
heures et vingt minutes au total, fatigué mais très heureux. J'avais
vaincu mes
appréhensions; et porté le total des opérations de ramassage à
vingt-huit. Nous
avons offert à nos trois passagers le petit déjeuner, entendu leurs
horrifiques
histoires, dont je ne peux me souvenir maintenant, les avons expédiés
avec leur
accompagnateur et leur chauffeur et avons regagné nos lits. »
Nuit du 15 au 16 avril
1943, un Lysander, piloté par le Capitaine BRIDGER, se pose sur le
terrain dans
le cadre de l'opération 'Antinea', sous la responsabilité de Pierre
DELAYE. A
l'arrivée, 4 colis, et au départ, 3 passagers : le fils aîné de
Christian
PINEAU, Robert WACKHERR et Henri MORIER. A
l'automne 1943, afin
de neutraliser le terrain, les autorités allemandes confient à
l'Entreprise
MAIA de Lyon la construction de massifs en pierres sèches de un mètre
de
hauteur disposés en spirales et espacés de trente mètres environ. Ces
massifs
sont coiffés d'un trépied en bois de deux mères de hauteur pris dans
les blocs
de pierres des massifs. Au premier trimestre de l'année 1943, les militants du réseau de Résistance 'Combat' firent homologuer par la Royal Air Force quatre terrains situés dans le triangle Meximieux/Lagnieu/Pont de Chéruy :
Le
terrain «FIGUE» se
situe dans les landes de la plaine de l'Ain, au sud sud-ouest
d'Ambérieu en
Bugey, à 2 kilomètres au nord nord-ouest de Saint Vulbas, au lieu-dit
'Curebourse'. Ce terrain a été proposé à l'homologation de la RAF par
le réseau
'Combat'.
Le premier atterrissage,
opération 'Buckler 1', sur le terrain 'Figue' fut programmé pour la
nuit du 16
au 17 juillet 1943 à partir d'un bimoteur Hudson venant d'Angleterre et
piloté
par le Colonel FIELDEN avec pour équipage Commandant WAGLAND et Sergent
SHINE.
Opérateurs au sol : PERY et de BEAUFORT. Le message d'exécution était
«Le
jardinier est amoureux».Dans l'impossibilité d'établir le contact dans
le
secteur prévu, l'appareil continue son vol
vers Alger.
Nuit
du 24 au 25 juillet
1943, un Hudson, avec pour équipage le Commandant VERITY, Commandant
LIVRY et
Sergent SHINE, doit se poser sur le terrain dans le cadre de
l'opération
'Buckler' sous la responsabilité de Paul RIVIERE. Le message
d'exécution était
«Le jour se lève». Opération réussie.A l'arrivée, Emmanuel d'ASTIER de
LA
VIGERIE et Jean-Pierre LEVY, au départ, 8 passagers, dont : François de
MENTHON, DEGLISE-FABRE, BERTHIER, Georges LIBERT, Victor BEAUFOL,
Capitaine
Claudius FOUR, Gérard BRAULT et Maurice ROCHBACH.
La
troisième opération,
opération 'Thicket', sur le terrain 'Figue' était programmée les 27 et
30 mars
1944 pour un doublé de Lysander. La RAF donnait son accord à la
condition
expresse que l'arbre ou les buissons gênants se trouvant sur le terrain
soient
coupés. Le 1er avril, l'opération de dégagement était réalisée et
l'opération
pouvait avoir lieu. Ce n'est que dans l'après-midi du 4 juin, que le
message
d'accord «Le petit mouton sera tondu» et le message d'exécution «La
bergère n'a
pas de coeur» étaient passés à la BBC à 13h 30 et à 19 heures, mais pas
à 21h
15. Vers 22h 30, une bonne dizaine de personnes étaient arrivées aux
Bergeries
de Saint Vulbas, à proximité du terrain, il y avait là les responsables
de
l'opération : Jannick RIVIERE, André CHARLOT, Jean TRIOMPHE, ainsi que
les sept
passagers au départ et l'équipe de
réception. Cette dernière était composée
de la famille d'Emile BARBACHOU (le père, la mère, la grand-mère et les
deux enfants) fermiers demeurant aux Bergeries, Albert MARTIN et son
épouse
venant de Lagnieu et Francisque LEMARIA venant de Saint Sorlin en
Bugey. Sur
place, Emile BARBACHOU confirma que le message n'était pas passé à 21h
15, mais
qu'il offrait à tous un casses-croute dans sa ferme. Vers minuit, un
des
invités, qui était sorti faire quelques pas, entendit un
ronflement et vit deux petits avions tourner autour de la
maison. Alertés tout le monde fit des signaux : le chef d'opération
installa en
hâte son balisage et envoya sa lettre en morse. Les deux appareils se
posèrent
alors : deux Lysander venant de Calvi en Corse. Dès que les avions
furent
repartis, Jannick RIVIERE prit
la route pour emmener jusqu'à Lyon les trois
passagers arrivés.
Nuit du 4 au 5 juin 1944,
depuis la Corse, deux Lysander, pilotés par le Capitaine VAUGHAN-FOWLER
et
Lieutenant N.H. ATTENBORROW, se posent sur le terrain dans le cadre de
l'opération 'Thicket' sous la responsabilité de Jannick RIVIERE. A
l'arrivée, 4
passagers. Au départ, le Docteur REVESZ-LONG, PERRET, Louis CLOUET des
PERRUCHES, TOUBAS et Michel PICHARD.
Jean TRIOMPHE dans ses Mémoire
raconte : «Une
autre fois, nous
avions une opération d'atterrissage sur 'Figue' en mai ou juin 1944, je
ne me
souviens plus très bien la date. Nous attendions deux Lysander .
L'opération
avait été signalée par les messages traditionnels. Au passage,
précisons que
les messages devaient être répétés
trois fois. La BBC les passait à 13h
15, 19h 15 et 21h 15. si le troisième message
ne passait pas l'opération était annulée. Nous étions trois, la
secrétaire de Paul RIVIERE, l'ancienne secrétaire de Bruno LARAT et un
nouveau
venu de Londres qui sera chargé par la
suite des parachutages su sud de la Région R-1 et moi. Nous étions
arrivés
avant le couvre-feu. A 21 h 15, pas de troisième message. Nous voila
chez BARBACHOU,
bien tranquilles, puisque l'opération était annulée, à casser la
croûte,
saucisson, pain blanc, un régal. Sur le coup de minuit, on voulait
aller se
coucher, coucher à la paille de la grange car il ne pouvait nous loger
autrement. On sort, on va se soulager...et on entend des moteurs
d'avion. On
voit les deux petits avions qu'on a vite reconnus à leur silhouette
particulière tourner au-dessus du terrain. On était à environ 150
mètres . On
courut comme des dingues en faisant les lettres morse du terrain avec
la lampe
torche. Les avions ont atterri, et sont repartis. Mission accomplie.»
Dans la nuit du 10 au 11
juillet 1944, depuis la Corse, deux Lysander, pilotés par deux
officiers
français de l'Armée de l'Air, les Lieutenants
Georges LIBERT et Bernard CORDIER tentent, en vain, de se poser sur le terrain dans le cadre de
l'opération 'Ticket 2' sous la responsabilité de Monsieur BARBACHON.
L'opération est reportée au lendemain.
Bernard CORDIER dans ses
Mémoires raconte : «Ce
sera le 10 juillet
1944 que LIBERT et moi sommes désignés pour une double opération sur le
terrain
'Figue' qui est situé à 20 kilomètres au nord-est de Lyon ; tout à côté
du
champ de manoeuvres de la Valbonne. Vers 23 heures, c'est LIBERT
qui décolle le premier du terrain de Borgo
et je le suis aussitôt. Décollage pénible car le Lysander malgré ses
800 Cv est
chargé de 3 passagers et d'un réservoir de 200 litres. Je me traîne à
100
mètres d'altitude au second régime car les volets de bords d'attaque
refusent
de rentrer. Je ne peux même pas passer les petites colline du Cap Corse
mais
après un piqué jusqu'au ras des vagues, les volets rentrent et le Lissy
veut
bien prendre l'altitude de 3000 mètres. Vol sans histoire au-dessus de
la
vallée du Rhône. Très peu de Flak. On voit seulement quelques petites
boules
oranges qui semblent monter assez lentement mais tout de même passent
très vite
lorsqu'elles arrivent à hauteur de l'appareil. Vers
2 heures du matin,
nous tournons autour du point de rendez-vous, mais sans voir les 3
lampes
torches qui indiquent le lieu de l'atterrissage, ni la lettre en morse
du code.
Après 15 ou 20 minutes de vol, nous décidons de retourner à Bastia ce
qui fera
5 heures de vol pour rien. A Bastia, on a pu avoir un contact radio
avec Lyon
et nous décidons de repartir le soir même. Les 3 passagers de chacun
des avions
n'étaient pas pourtant guère enthousiastes de passer une seconde nuit
dans le
Lysander, debout et serrés comme dans une boîte de sardines. Cette
fois-ci nous
avons un beau repère sur la côte française. Toulon venait d'être
bombardé par
les Américains et on voyait les flammes dès le décollage. Arrivés au lieu de
rendez-vous, le balisage était bien en place ; 2 lampes torches fixées
sur des
piquets indiquaient là où il faut toucher des roues et la troisième à
110
mètres indiquait le sens de l'atterrissage face au vent. Georges se
pose le
premier et je tourne au-dessus du terrain en attendant qu'il redécolle. Je
constate alors qu'l y
a beaucoup d'activités sur le champ de manoeuvres de La Valbonne, les
Allemands
faisant des exercices de nuit avec des tirs réels et fusées
multicolores.
Voyant que Georges ne repartait pas et le sol m'envoyant la lettre du
code en
morse, je me pose à mon tour et Georges vient me dire 'J'ai calé mon
moteur et
vidé la batterie. Rien à faire' Il faut savoir que le moteur Hercules
était
excellent mais avait le défaut particulier aux moteurs sans soupapes,
il
refusait absolument de démarrer lorsqu'il était chaud. Alors attendre 2
heures
qu'il refroidisse et la batterie à plat ? Les Allemands de la Valbonne
avaient
peut être entendu les 2 avions et allaient arriver sans tarder. Il
fallait
partir au plus vite. On demande à l'agent chargé de l'opération de
mettre le
feu à l'avion dès que tout le monde aura quitté le terrain et Georges
monte à
la place arrière de mon avion. Jean TRIOMPHE dans ses Mémoires raconte : «Par contre, sur le terrain 'Figue', il n'y avait pas de sécurité. On menait l'opération à deux venant de Lyon, sur ce terrain que les Allemands utilisaient de temps en temps. Une fois, c'est le paysan complice propriétaire du terrain Monsieur BARBACHOU qui avait entendu le message, qui savait que l'atterrissage était pour le soir (entre minuit et deux heures du martin) qui a assuré l'opération tout seul ! Mais figurez-vous que l'un des deux avions n'a pas pu repartir. Le moteur avait calé. En général, les avions n'arrêtaient pas leur moteur, par précaution, parce qu'une fois très chaud il a parfois du mal à repartir. A cent cinquante mètres de la maison, il est vrai très isolé. Avec le pilote, ils ont décidé de bruler l'appareil. Le lendemain, BARBACHOU est allé aux gendarmes de Lagnieu ; 'Venez voir, il y a un avion brulé dans mon champ !'. Ca n'a pas eu de conséquences pour lui. Mais nous avons alors considéré, c'est le cas de dire, que le terrain était brûlé et nous ne l'avons plus utilisé.» En
1992, le Cinquantième
anniversaire de ces missions spéciales, fut marqué par l'inauguration
du
monument en 'Hommage aux passeurs du clair de lune', monument
conçu par Marius Roche, Homme de la
Résistance et Membre des Vieilles Tiges. Lors de cette commémoration,
étaient
présents les principaux acteurs de ces missions (des pilotes, des
agents de la
Résistance chargés de l'organisation au sol, des acteurs anonymes )
aujourd'hui, hélas, tous ont disparus. La mémoire d'agents de la
Résistance
morts dans l'accomplissement de leur mission n'était pas oubliée, une
pensée
pour Pierre Delaye, officier radio tué à Loyettes le 11 mai 1943.
Aujourd'hui, alors que
nous commémorons le 70ème anniversaire de ces atterrissages
clandestins, il y a
lieu de rappeler que les opérations du 10 juillet 1944 sur le
terrain 'Figue' furent exécutés, à partir de 2 Lysander
pilotés par deux pilotes français depuis la Corse. Il s'agissait
de Georges Libert et de Bernard Cordier, deux
pilotes au passé prestigieux. Nous vous les présentons :
Georges Libert
(1909-2002), est breveté pilote en juillet 1929. A 24 ans, en 1933,
il participe
à la Croisière Noire, 17400 kilomètres en Afrique Noire sur Potez 25.
En
juillet 1937, il bat le record de vitesse sur Paris-Hanoï, soit 10000
kilomètres en 44 heures à une vitesse commerciale de 225 km/h. Au cours
de la
Seconde Guerre mondiale, en 1944, au sein du squadron 148 de la RAF, il
participe à huit missions spéciales au profit des résistances
intérieures. De
1945 à 1970, il fait une carrière prestigieuse à Air France, d'abord
sur la
liaison de l'Atlantique sud sur DC 4, puis
qualification sur
Constellation, chef du personnel navigant, il sera l'un des premiers
pilotes d'
avion à réaction commercial sur Comet, et pendant 10 ans commandant de
bord sur
Boeing 707 avant de prendre sa retraite en janvier 1970. De 1982 à
1991,
Georges Libert assurera la Présidence de l'Association Nationale des
Vieilles
Tiges.
Bernard Cordier
(1912-1993), né à Lyon, est breveté pilote en 1931. Il vole en tant que
pilote
de chasse dans la Première Escadre au
Bourget, puis en 1936, il est affecté au Centre de vol à haute
altitude. En
1938, admission comme pilote de ligne à Air France. A la déclaration de
la
Seconde Guerre mondiale, il est affecté comme sous-lieutenant au Groupe
de
Chasse 2/4 sur Curtiss P 36 où il obtient quatre victoires. De 1941 à
42, il
effectue des vols de liaison pour Air France en Afrique. De retour en
France,
il appartient à un réseau de renseignements alliés avant de quitter le
sol
français pour l'Angleterre en lysander le 15 juin 1943. Au sein du
squadron 148
de la RAF, il participe à huit missions spéciales au profit des
résistances
intérieures. En juillet 1945, il retrouve Air France, en août 1946, il
est
chef-pilote du réseau continental, et en novembre 1947 commandant de
bord de
Constellation sur la ligne Paris-New York. Le 15 août 1948, lors d'une
traversée, il reçoit un appel du Christ. En février 1950, Bernard
Cordier entre
à l'abbaye de Citeaux comme trappiste et sera ordonné prêtre le 18 mars
1961.
Il est envoyé dans des congrégations au Cameroun, puis en 1963 au
Zaïre. En
1983, Bernard Cordier revient à Citeaux pour reprendre une vie de
communauté et
devenir Frère Baudouin. Il décède à l'abbaye de Citeaux en septembre
1993.
Contribution
à la Mémoire Aéronautique
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