DES AVIATEURS FRANCAIS A L' ORIGINE

DES PREMIERS PARACHUTAGES ALLIES EN REGION LYONNAISE

AU COURS DE LA SECONDE GUERRE MONDIALE


L'anéantissement total des armées alliées, en juin 1940, surprend une Angleterre pourvue de moyens de défense extrêmement réduits et donc, incapable d'envisager une contre-offensive.

Dès le 22 juillet 1940, Winston Churchill, crée à partir de l'Intelligence Service, les 'Special Operations Executive (SOE) qui, à défaut de moyens offensifs, doivent conduire à une érosion des forces allemandes sur tout le terrain qu'elles occupent. Ce qui implique l'envoi, en territoire occupé, d'un personnel nombreux formé et d'une grande quantité d'armes et d'explosifs afin d'entraver les forces vives de l'ennemi, désorganiser les transports, etc... Il faudra attendre un peu plus d'un an pour que les premiers agents des services secrets, venant d'Angleterre, soient parachutés et reçus en France par des patriotes.

Le premier parachutage d'armes et d'explosifs a lieu en France en juin 1941. En septembre 1941, le colonel Maurice BUCKMASTER devient le patron du SOE français; il est le créateur et l'animateur des réseaux qui portent son nom. Un réseau SOE s'articule, à la base, à partir de trois agents :

  • le chef du futur réseau ;
  • l'opérateur radio dit " le pianiste ", parachuté avec son émetteur ;
  • l'artificier, instructeur pour les armes et explosifs.

Dans la nuit du 19 au 20 septembre 1941, Emile Georges Jean DUBOUDIN, alias Alain, débarque au Barcarès, près de Perpignan. Il se rend à Lyon, en vue d'y former et diriger le réseau SPRUCE, destiné à encadrer des équipes de sabotage.

Lyon deviendra le siège d'un grand réseau comportant à sa tête un permanent. Le premier sera une femme, Virginia HALL, journaliste américaine correspondante du New York Post, qui devra s'enfuir le 11 novembre 1942 à l'arrivée des Allemands. La ville de Lyon est devenue un nid de résistants où toutes les polices traquent les clandestins des nombreux mouvements qui ont éclos : Combat, Libération, Franc Tireur, Le Coq Enchainé, France d'Abord, Témoignage Chrétien, L'Insurgé, etc... Au début de l'année 1942, les réseaux du SOE trouvent dans les mouvements de Résistance les interlocuteurs nécessaires au développement de leur action.

En mars 1942, Edward ZEFF alias Georges 53, opérateur radio, émet de l'appartement de Joseph MARCHAND, alias Ange, depuis le 2 quai Perrache à Lyon 2ème, ainsi que de celui de Madame SERRE, alias Andrée, au 9 rue Camille dans le quartier de Monchat. Joseph MARCHAND, proche de Louis PRADEL (futur Maire de Lyon), dirigeait les Laboratoires Récamier, 104 rue Pierre Corneille à Lyon. A son cabinet, place Antonin Poncet, le Docteur ROUSSET, alias Pep, recevait les clandestins de passage qui pouvaient se dissimuler parmi les patients. Tandis qu'à Oullins, Auguste BUSSIERE, propriétaire du Grand Bazar, mettait ses locaux à la disposition du SOE pour y entreposer des vivres et des munitions. Ainsi se dessine l'armature d'une branche du réseau qui sera utilisé par un futur agent secret.

Louis PRADEL, animateur du mouvement Le Coq Enchainé dans le 2ème arrondissement de Lyon, a établi une base au café-restaurant de La Croix d'Or à Oullins dont le propriétaire est Marius GOURDON. MARCHAND et GOURDON recrutent en avril 1942, Claude POCACHARD demeurant à Taluyers (Rhône) qui deviendra agent du SOE.

Fin avril 1942, un autre agent anglais est envoyé à Lyon. Il arrive clandestinement par bateau sur la côte méditerranéenne. C'est un jeune français, professeur à l'Institut français de Londres. Il s'agit de Henri MENZIE, alias Jean LENESSON, "Monsieur JEAN ". Parmi ses principales préoccupations, c'est la recherche de terrain de parachutage dans la région lyonnaise.

Marcel CLAES, secrétaire du Colonel GIRARD à la base de stockage de Bron, avait fait la connaissance de plusieurs officiers et sous-officiers de cette base qui, avec lui, se lancèrent dans la Résistance, et notamment dans la création du mouvement Le Coq Enchainé. Parmi eux, le capitaine Claudius BILLON, ancien pilote de chasse au Groupe de Chasse III/9 à Bron, et qui fut désigné par Jean MOULIN, comme responsable de l'Armée Secrète pour la zone sud.

Le premier parachutage d'armes en zone sud, fut possible grâce au réseau du Colonel BUCKMASTER et à son agent ALAIN. Cet officier anglais avait été contacté par le mouvement Le Coq Enchainé, suite à une action de Louis PRADEL dont le beau-père possédait à Londres un réseau de correspondants commerciaux. Claudius BILLON chargea Marcel CLAES de trouver des terrains favorables et des planques pour accueillir des parachutages.

Le premier a lieu à Blyes (Ain) près de Lagnieu, le 28 mai 1942, à destination du mouvement Coq Enchainé. Il sera suivi de celui d'Anse (Rhône), dans la nuit du 1er au 2 juin, mais qui a tourné au fiasco. Le suivant se déroule avec succès sur la commune de Montverdun (Loire), près de Feurs, et son contenu sera distribué aux mouvements Coq Enchainé et à Franc Tireur. D'autres parachutages eurent lieu, au cours de l'été 1942, sur la commune de Taluyers, à proximité de Mornant.

La plaine de l'Ain, près du confluent de l'Ain avec le Rhône, facile à repérer de nuit par un avion, fut choisie. Plusieurs locations de villas furent effectuées par Marcel CLAES, dont une à Blyes. Dans cette dernière, Marcel, aidé de son frère Maurice, creusa une fosse pour le camouflage des armes et du matériel contenu dans les containers.

Dans la soirée du 28 mai 1942, la BBC diffusa en langue française le message 'Nicolas dit salut aux vivants' annonçant le parachutage dans la nuit du 28 au 29. Ce message fut répété à 21 h 30 pour confirmation, et l'équipe de réception se rendit sur place en vélo ou avec la voiture du médecin. L'équipe de réception était composée : Capitaine Claudius BILLON, Georges DUBOURDIN alias ALAIN, Marcel CLAES, Louis PRADEL, Georges PEZANT, Docteur VANSTEENBERGHE alias Michel,BERTHIER alias Martin, des étudiants en médecine Jean MINGAT et Jean WERTHEIMER Deux containers furent largués par avion, vers 2 heures du matin. A l'aide de la voiture du Docteur VANSTEENBERGHE ceux-ci sont provisoirement camouflés à Blyes. Puis chez Napoléon BULLUKIAN, entrepreneur, en attendant que Marcel CLAES, Paul BLACHERE et Jean TERISSE transportent le matériel et les armes à Lyon, et les mettent à la disposition de Louis DEGOUTTE

Une cérémonie anniversaire fut organisée, le 23 décembre 1945, à Blyes.

Georges DUBOURDIN, Marcel CLAES et sa petite équipe de réception attendent un parachutage, dans la nuit du 1er au 2 juin 1942, sur un terrain au nord d'Anse (entre Villefranche sur Saône et Lyon). Sont parachutés, vers 2 heures du matin : deux containers et deux hommes, Bob SHEPPARD alias Patrice, instructeur en armement et Robert BOITEUX alias Nicolas, conseiller technique d'ALAIN. Mais le largage a lieu trop haut et trop loin du point prévu et le vent qui souffle du nord cette nuit-là pousse les parachutes jusqu'à l'agglomération d'Anse. Deux containers de matériel s'accrochent dans les arbres au bord de l'Azergues. Robert BOITEUX arrive au sol et peut, sans être remarqué, se cacher dans un fossé. Il gagne tranquillement Lyon, dans l'après-midi, en autocar. Bob SHEPPARD, lui, tombe sur le toit d'une petite maison voisine de la gendarmerie du village et son parachute pend, en bannière, à la structure métallique qui maintient les fils électriques. Deux gendarmes qui sortent, l'auraient bien laissé partir, mais Madame CHARPY, propriétaire de la maison, affolée, appelle la gendarmerie , et l'adjudant qui commande la brigade ne peut pas ne pas intervenir. Robert SHEPPARD est arrêté et emprisonné à Montluc, puis à Saint Paul. Après plusieurs mois d'internement, il réussit à s'évader.

Le premier parachutage, au lieu-dit 'la plaine de Berthoud' sur la commune de Taluyers (Rhône), se situe entre le dimanche 28 juin et le dimanche 5 juillet 1942. Le message d'alerte attendu est 'Le train n'attend pas les voyageurs'. Il est diffusé une première fois, puis décommandé. L'équipe d'Oullins se rend sur le terrain mais l'avion ne vient pas. Le message est répété et l'opération a lieu. Huit hommes de l'équipe d'Oullins sont reçus par Maurice POCACHARD et son fils Claude, les agents locaux. : 'Monsieur JEAN', Louis PRADEL, Justin BOUVARD, les frères Jean et André ORIF, Auguste MARREAUD et Marius GOURDON. Cinq ou six containers remplis d'armes et d'explosifs sont largués par l'avion. Mais celui-ci a réveillé le voisinage, il faut agir vite pour récupérer les containers, les vider et les cacher.

Un 'comité de réception' fut mis en place pour accueillir d'autres opérations aériennes. Claude POCACHARD recrute Paul CANDY pour l'assister. La radio de Londres émet le message 'Les poires sont meilleures que les pêches ' annonçant l'imminence d'un parachutage. L'avion est venu mais a passé sur le terrain sans rien larguer. Le jour suivant, le message est répété. Quatre containers sont livrés dans la nuit du 26 au 27 août 1942. Il fallut improviser des planques pour cacher les armes, mais des curieux vinrent les dénicher. Il semble bien que ces faits étaient connus de tout le voisinage. La gendarmerie de Mornant, prévenue, se rendit sur les lieux sans ouvrir véritablement d'enquête. Mais tout espoir de renouveler l'opération était anéanti.

Le 28 septembre 1942, le gouvernement de Pierre Laval autorise le service allemand de détection de postes émetteurs à entrer en action. Le 11 novembre, l'armée allemande envahit la zone sud de la France accompagné de la Gestapo. Quelques jour après, Robert BOITEUX, alias Nicolas, qui a multiplié les parachutages échappe de peu à deux arrestations. Klaus Barbie, le patron de la Gestapo à Lyon, offre six millions de francs à qui permettra sa capture. Des perquisitions sont effectuées et de nombreux patriotes sont arrêtés, notamment à Taluyers, le 16 décembre 1942.

BILLON Claudius, né le 23 février 1896 à Lyon :

En 1914, âgé de 18 ans, il s'engage comme fantassin, il est grièvement blessé à Verdun. Après l'armistice, il reste dans l'Aviation et se trouve affecté au Maroc pour participer à la guerre dans le Rif.. Ultérieurement, il se spécialise dans l'acrobatie aérienne. En 1935, il anime la patrouille de Dijon qui, dans les meetings aériens, représente la France à l'étranger. En 1939, le Capitaine BILLON commande une escadrille du Groupe de Chasse III/9 à Bron. Après l'armistice de juin 1940, il démissionne de l'armée et tente de rejoindre l'Angleterre. Dès lors, il agit dans une organisation de la Résistance et se trouve en contact avec le réseau du Coq Enchainé. En décembre 1941, il est arrêté, mais s'évade trois jours plus tard. En mai 1942, au sein du Mouvement Combat, il participe au premier parachutage d'armes dans la région à Blyes (Ain). Après la création de l'Armée Secrète, il est nommé Chef régional de cette organisation. Le 1er février 1943, il est arrêté par les Allemands et conduit à Vichy. Ramené à Lyon, il s'évade, mais il est à nouveau arrêté le 7 février, et condamné à mort. Les circonstances et le lieu de son décès sont demeurés mystérieux (quelque part en Allemagne au début de septembre 1944).

Son nom a été donné : à un square dans le 6ème arrondissement de Lyon, une place à Neuville sur Saône et une résidence à Villeurbanne.

PEZANT Georges, né le 12 février 1909 à Aubières (Puy de Dôme) :

Breveté pilote, le 8 septembre 1925, avec le n° 22085 ; brevet pilote de transport public, le 30 janvier 1936, avec le n° 1231. Engagé au 2ème Groupe d'ouvriers aéronautique, personnel navigant, le 19 septembre 1928. Affecté au 33ème Régiment d'aviation à Mayence, caporal le 13 mai 1929, sergent le 1er décembre 1929. Engagé pour deux ans au 35ème Régiment d'Aviation à Bron, personnel navigant, le 19 mars 1930. Libéré en fin de contrat, le 18 septembre 1931.

Il se marie à Bourg de Péage, le 19 septembre 1930. Alors Drômois, il fréquente l'aéroclub de Romans en tant que pilote instructeur à la Section d'Aviation Populaire en 1936. (A la même époque, il aurait été pilote instructeur à l'école d'Aulnat, car il a écrit un livre sur la vie des pilotes-boursiers de cette école)

Sergent-chef pilote réserviste en 1939 au Groupe de Chasse III/9 à Bron, il est nommé adjudant, le 20 février 1940. En 1941, il rejoint son ancien chef le Capitaine BILLON au sein du Mouvement Combat et Coq Enchainé. Il appartient au Réseau Buckmaster de la section F du SOE. Agent P1 du 1er avril 1942 au 31 mai 1942, puis agent P2 du 1er juin 1942 au 1er septembre 1943. Il organise le tout premier parachutage d'armes dans la région à Blye (01) et à Anse (69), le 1er juin 1942. A la suite de ce parachutage malencontreux, il est arrêté et emprisonné à la prison Saint Paul à Lyon, puis transféré au camp de Saint Paul d'Eyjeaux (87) d'où il s'évade, et par l'Espagne, le Portugal, il rejoint Gibraltar et débarque à Gibraltar, le 6 octobre 1943. Affecté au dépôt de la chasse à Meknès. Puis affecté au BCRA à Alger, il est parachuté en Auvergne (où ?) comme agent de liaison de 2ème classe avec le grade de Capitaine, chef d'opération du département de la Lozère.

En septembre 1944, en tant que Lieutenant, il reprend du service au sein du Groupe 1/35 Aviation des Alpes, jusqu'à la dissolution de ce Groupe en mai 1945. Il sera nommé Capitaine, le 1er Janvier 1956.

Titulaire de nombreuses citations ou décorations : Chevalier de la Légion d'Honneur, le 27 décembre 1952; Médaille des Evadés, Médaille de la Résistance, Croix de Guerre avec palme. Titulaire d'une décoration britannique. Membre du Groupement Antoine de Saint Exupéry des Vieilles Tiges n° 322 en date du 15 septembre 1968.

Georges PEZANT décède, le 13 août 1975 à l'hôpital Desgenettes de Lyon, à l'âge de 67 ans. Il est inhumé au cimetière de Montmirail (26)

DUPRE Joanny, né à Lyon, le 29 Mars 1893 :

Joanny DUPRE a fait ses études à l'Ecole de La Salle à Lyon. Appelé au service militaire en 1913, il est affecté au 3ème tirailleurs algériens et nommé chef de poste à Ouargla en Algérie. Envoyé sur le front l'année suivante, il participe aux batailles de la Somme et de l'Argonne. Il est grièvement blessé à Verdun. Muté dans l'aviation, il est affecté à l'Escadrille des Cigognes. Après un stage à Cazaux, il est nommé observateur-bombardier dans l'escadrille 119 (escadrille des Hiboux), où il accompli de nombreux raids. Il a été l'un des premiers à atterrir clandestinement en Allemagne pour y déposer des agents secrets. Après sa démobilisation, il ouvre un cabinet d'expert-comptable à Lyon où il a exercé dans l'entre deux guerre. A nouveau mobilisé en 1939, il reprend son métier à sa démobilisation. Il commence, alors, par agir au réseau du Coq Enchaîné, puis avec Combat, dans le cadre du Recrutement, Organisation, Propagande. Joanny DUPRE participe activement, à partir du début de l'année 1942, sous le pseudonyme DUCHAMPS ou SIF 8, à la formation du Service des Opérations aériennes et maritimes (SOAM) dont le Quartier Général est installé à son domicile, 9 cours Tolstoï à Villeurbanne. Chargé de mission de première classe, il organise les liaisons et les réceptions de parachutage.

Le 7 Avril 1943, il est arrêté à son domicile, torturé dans les locaux de l'Hôtel Terminus de Lyon, puis interné à Montluc. Transféré le 6 Mai à Fresnes, il est déporté le 12 Juillet au camp du Struthof où il meurt d'épuisement, le 1er Décembre 1943.

Sources : Adaptation de Paul MATHEVET à partir de divers documents 08/2010
Des Aviateurs français à l'origine des premiers parachutages alliés en région lyonnaise au cours de la Seconde Guerre mondiale par Paul MATHEVET © pour MEMOIRE AERONAUTIQUE 07/2010

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